top of page
Rechercher

LA SOUFFRANCE

  • michelfresneau0278
  • 18 nov. 2015
  • 81 min de lecture

PLAN

1) En Avant Propos page 2 à 5

2) « Salvifici Doloris » de Jean Paul II, pages 6 à 18

3) Définitions sémantiques : mal, douleur, souffrance

4) Douleur en médecine et Anthropologie de la souffrance p. 23 à 27

- en psychiatrie : H. Baruk

- Père Bissonnier , p. 30 à 34

- « l’intérieur » p. 35

- Quel est donc le rapport du cœur avec la souffrance ? p. 40

« Spe Salvi » de Benoît XVI p. 41 et 42

5) Douleurs dans les autres religions p. 43 à 45

Hindouisme, Bouddhisme, Islam, Religions traditionnelles

6) Douleurs dans la Bible

a/ dans l’Ancien Testament p. 46

Le Shéol, Jérémie, le Second Isaïe, Job, les Psaumes

b/ dans le Nouveau Testament p. 58_

α) les Evangiles

β) les Epîtres

γ) L’Apocalypse

7) Certaines facettes de la souffrance p. 65

* Passion – Compassion p. 65

* Consolation – Désolation p.68 à 70

* Dolorisme – Hédonisme p. 71-72

* Souffrance des innocents p. 73 à 76

* L’Heure p. 77

* Souffrance des femmes enceintes p. 77

* Le feu p. 78-79

8) Du cerveau au cœur : l’acceptation, puis la souffrance purificatrice p. 80

- Chiara Lubich p. 80

- le Père Marie-Dominique Philippe p 80-82.

La tristesse

9) Les Handicaps

Les handicaps sont de type très divers, p. 99 et 100

Les handicaps mentaux p. 100

- « L’Arche » de Jean Vanier et « Foi et lumière » de M.H. Matthieu p. 103 à 105

- Les déficits sensoriels, auditifs et visuels p.105 à 107.

- Jérôme Lejeune, p. 107 à 109

-- La Lèpre p. 110-111

- Le Prisonnier p. 111 à 113

- l’Emigré p.114 à 121

- l’Exclu p. 121

10) La situation de la souffrance dans un monde agnostique p. 121

Cardinal Poupard, Cardinal A.Comastri, X. Le Pichon … p. 121 à 126

  • Les 4 chants du « Serviteur Souffrant » chez Isaïe ; p. 126 - 127

  • L’Epître aux Hébreux p. 127-128

  • Les Epîtres de Saint Pierre, p. 128-129

11) Marie, p. 126

St. Alphonse de Liguori, les 7 douleurs de Marie p. 137 à 139

Conclusion p. 141 à 144

Post-face

EN AVANT PROPOS :

La souffrance dans le monde actuel est souvent vue comme non-signifiant et la conséquence de nos insuffisances actuelle au point de vu médical, entre autres. Des scientifiques et médecins, matérialistes, certain fut président du Comité Consultatif National d’Ethique professaient cet absence de signification. Le Catholicisme prétend le contraire. Il prétend qu’elle a une « valeur pédagogique ». Saint Paul, en particulier, insiste beaucoup sur ce point.

Le Christ est mort en Croix, surtout pour nous signifier cette vérité ; ce point choque beaucoup de gens : comment est-ce que Dieu peut mourir en Croix ? Il nous faut nous aussi passer par cette Croix por être sauvés, que cette Croix soit sanglante, ou non.

Par là, le Christianisme s’éloigne de beaucoup d’idéologies contemporaines, par exemple la Franc-Maçonnerie et d’autres idéologies franchement matérialistes.

Le Nouvel Age est une résurgence de tendances gnostiques qui ne sont pas nouvelles, puisqu’elles existaient déjà au temps du Christ. Pour lui également, affirmer que le Christ était Dieu et qu’Il est mort en Croix n’a aucun sens !

Pour l’Islam, il en est bien différent. Si pour lui aussi, il est impensable que le Christ soit Dieu et qu’Il soit mort en Croix, est une chose choquante et impossible à envisager, néanmoins la souffrance pour lui n’est pas dénuée de valeur. En outre, la notion de Trinité lui est complètement étrangère et il est pour lui impensable et blasphématoire que Dieu puisse avoir un Fils et que Dieu se soit incarné

Pour ce qui est des religions asiatiques, Gandhi, en Inde, assurait de sa plus grande la morale de l’Evangile ; dommage, disait-il, que les Occidentaux, s’en inspirent si peu, il a voulu que le système des castes soit aboli. Si ce système n’est toujours pas aboli, il faut quand même noter qu’un des derniers Présidents de l’Inde était un intouchable !

L’Islam, l’Hindouisme, le Bouddhisme, religions classiquement tolérantes ne le sont malheureusement pas toujours …

En ce qui concerne les religions traditionnelles, même si elles respectent la souffrance, elles sont soumise à des forces occultes, non rationnelles qui les discréditent.

Redisons-le à la suite de Jean Paul II, il faut parfois du temps (et même quelquefois beaucoup de temps), pour trouver sens à sa souffrance. Elle peut paraître une absurdité, peut même éloigner de Dieu. Peu à peu, l’homme découvre que souffrance et amour marchent ensemble et sont intimement liées : les mystiques de tous les temps l’ont confirmé : Marthe Robin et Padre Pio, par exemple en témoignent, nous y reviendrons.

Que dire de la souffrance des êtres marginalisés et qui se sentent comme tels ; ils sont malheureusement de plus en plus nombreux ; le Père Bissonier nous en parle !

Le développement des Soins Palliatifs est une réponse à la rationalisation de la médecine.

« Le caractère salvifique de l’offrande de la souffrance, qui si elle est vécue en communion avec le Christ appartient à l’essence même de la Rédemption » (Jean Paul II, Evangelium Vitae n°97, cf. La Lettre instituant la Journée Mondiale des Malades le 13 Mai 1998)

Pour les Chrétiens, la souffrance a un sens. Ce que nous dit Saint Paul au Chapitre 8 de l’épître aux Romains (Romains 8,18) : « J’estime donc qu’il n’y a pas de commune mesure, entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous ». Plus loin, il nous dit (Romains 8,22) : « Nous le savons bien, la création entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Nous aussi, nous crions notre souffrance, nous avons commencé par recevoir le Saint Esprit, mais nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps … ». Cet enfantement rappelle ce que nous dit Saint Jean au sujet des femmes prêtes à accoucher. (Jean 16,22-23) : « La femme lorsqu’elle enfante, éprouve de la tristesse … mais lorsqu’elle a donné jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de l’angoisse dans la joie qu’un homme soit venu au monde.» Mais, bien sûr, on ne peut évacuer la notion de « Révélation » : c’est sans doute cela qui est difficile à notre monde contemporain : admettre qu’il y a une vérité qui le dépasse !

Dans ce volume, nous avons voulu suivre un peu les conseils de Jean Paul II dans « Fides et Ratio ». Cette Lettre Encyclique qu’il fit paraître en 1998, pour ce projet, ô combien ambitieux, mais aussi, ô combien nécessaire qui est de réconcilier « la foi et la raison ». La raison pourrait considérer la foi comme une survivance anachronique, archéologique, qu’on visiterait comme on visite les Cathédrales ou les Musées. Mais les œuvres philosophiques sont là pour nous prouver le contraire et quelquefois, elles précèdent même Jésus Christ ! (Socrate, Platon, Aristote sont là pour nous prouver le contraire ; de même, les philosophies indiennes et chinoises …).

Si les universités françaises, en particulier la Sorbonne, se sont détachées de la théologie, c’est qu’elles ont pensé que cette théologie était basée sur un fidéisme qui n’était pas la foi, l’université pensait que foi et raison étaient incompatibles.

En ce sens, nous pouvons citer un chapitre du livre du Cardinal Ratzinger, qu’il considère comme « son » maître-livre et qu’il a écrit avant d’être élu au siège de Pierre et même avant d’être Archevêque de Munich « La mort et l’au-delà » (Editions Fayard, collection Communio, révision 1990) A la page 108 : « L’assentiment à toute la vie »

La foi chrétienne est consacrée à la vie. Elle croit au Dieu des vivants. Son but est la vie ; elle est donc assentiment à la vie à tous ses degrés, où elle voit un don et un reflet de Dieu, qui est vie. Elle est consentement à la vie jusqu’en son occultation par la souffrance. Car même alors, la vie reste un don de Dieu ; même alors, elle ouvre encore de nouvelles possibilités d’être et de sens. C’est pourquoi, pour un chrétien qui croit, il n’y a pas de « vie qui ne vaut pas d’être vécue ». Là où il y a vie, elle reste en dépit de toutes les ombres, un don de Dieu, offert à tous nos compagnons de vie et qui, à travers l’exigence même de l’amour mis au service d’autrui, peut apporter enrichissement et surcroît de liberté

Le sens de la souffrance

La foi chrétienne est vie dans un sens plus élevé et plus global que celui de la simple biologie. L’esprit n’est pas « adversaire de l’âme », mais vie plus riche et plus vaste. L’homme ne se trouve en possession de lui-même que dans la mesure où il accepte la vérité et la justice comme champ de sa vie réelle, même si en atteignant l’histoire humaine, sa vie prend toujours le caractère du martyre. La foi ne cherche pas la douleur, mais elle sait que, sans la souffrance, la vie ne donne pas toute sa mesure et s’interdit sa propre plénitude. Si le comble de la vie exige la souffrance, cela signifie que la foi refuse la tentation de «l’apathie », refuse d’esquiver la douleur, parce que cela est contraire à l’essence de l’homme.

Arrêtons-nous un instant à considérer le sens de cette tentation d’ « esquiver la souffrance ». Il y a esquive de deux manières. Il y a une « apathie » orientée à des fins supérieures qui s’exprime de façon frappante dans le stoïcisme et la pensée asiatique. A partir de ces conceptions spirituelles, l’homme acquiert un tel empire sur lui-même qu’il en devient comme étrangers à lui-même, la souffrance et le flux des évènements extérieurs.

Epicure, quant à lui, est partisan d’une « esquive par le bas » : il enseigne à l’homme une technique du plaisir, qui lui permet de mettre entre parenthèses la souffrance dans la vie.

L’un et l’autre de ces deux types d’apathie peuvent atteindre un certain degré de virtuosité et conduire à une réussite plus ou moins parfaite. Mais l’un et l’autre entraînent un orgueil qui nient la condition humaine ; ils impliquent une secrète prétention à la divinité, qui contredit la vérité de l’homme. Or ce qui est contraire à la vérité est mensonge et donc finalement futile et destructeur. En dernière analyse, une telle technique se ferme à la vraie grandeur de la vie. Certes, il ne faut pourtant pas oublier l’énorme distance qui sépare Epicure de l’apathie spirituellement acquise, apathie qui, en ses formes supérieures, suppose le passage par la souffrance

C’est à partir de là (et non d’une opposition superficielle entre la Bible et la philosophie grecque) qu’il faut comprendre pourquoi la mort du Christ apparaît si totalement différente de la mort de Socrate. Le Christ ne meurt pas dans la noble sérénité du philosophe ; il meurt dans un cri, après avoir connu l’angoisse d’un total abandon. A la prétention démesurée de celui qui se veut égal à Dieu s’oppose ici l’acceptation de la condition humaine jusqu’à son plus extrême abaissement (Philippiens 2,6-11)

De nos jours plus que jamais, ce thème de la fuite de la souffrance prend de l’importance en raison des possibilités nouvelles que l’homme s’est acquises. Les essais faits par la médecine, la psychologie et la pédagogie pour construire une nouvelle société d’où la souffrance serait abolie ont pris les proportions d’un gigantesque effort de rédemption définitive de l’humanité. Certes, par tous ces moyens, la souffrance peut et doit être endiguée. Mais la volonté de l’abolir complètement équivaudrait à la proscription de l’amour et donc à un recul de l’homme lui-même. De tels essais sont de la pseudo-théologie ; ils ne peuvent aboutir qu’à une mort et une vie sans valeur. L’homme qui se soustrait se refuse à la vie. Fuir la souffrance, c’est fuir la vie. La crise du monde occidental provient en tout premier lieu d’une éducation et d’une philosophie qui tendent à sauver l’homme sans la Croix, contre la Croix et donc contre la vérité. Affirmons-le encore une fois : la valeur relative de ces tentatives est incontestable. Elles peuvent soulager, si elles reconnues comme faisant partie d’un tout plus vaste. Prises pour elles-mêmes, elles débouchent sur le vide. Car finalement une seule réponse peut satisfaire l’homme, celle qui comble l’aspiration infinie de l’amour. Seule la vie éternelle répond de manière satisfaisante à l’interrogation de l’homme sur son existence et sa mort ici-bas. Pourtant, la Philosophie Chrétienne ne s’est pas arrêtée avec Thomas d’Aquin ou Bonaventure ; les Siècles suivants, et en particulier le XX°, ont eu leurs grands philosophes chrétiens. Le XX° siècle, entre autres, a été le théâtre d’un renouveau de la pensée chrétienne : le pape cite plusieurs noms français (Maritain, Gilson), italien (Rosmini) et russe (Soloviev).

(Si des penseurs comme Descartes, Leibniz, Hegel ou Kant, ne font pas partie de l’Encyclique de Jean Paul II, ce n’est pas parce qu’il les ignore, mais plutôt qu’il les considère comme non représentatifs d’une pensée catholique …)

Mais, il est certain qu’il existe une désaffection pour la pensée métaphysique chez les philosophes et une faiblesse de la pensée théologique … timidité des philosophes (ou désintérêt) qui fait qu’une philosophie de l’être est de moins en moins recherchée … ce qui serait à notre détriment vis-à-vis de cultures présentes en Europe et qui elles, ont une philosophie structurée, que ce soit des cultures asiatiques ou musulmanes.

La « timidité » de notre monde occidental pour toute spéculation métaphysique, retranchée, volontairement ou non, derrière de nouvelles connaissances psychologiques ou sociologiques lui fait oublier ses racines chrétiennes !

Une pensée « analytique » risque de tout emporter, transformant notre monde en supermarché !

Le faux dilemne entre « foi et raison » s’étend, entre autres à la médecine.

La souffrance ? Une question se pose à nous tous … Est-elle seulement théologale ou bien également métaphysique (ou bien philosophique) ? Est-elle divine ou est-elle humaine ? C’est sans doute une question théorique ; qu’elle est la limite entre les deux ? Il n’y a pas de limites, nous disent les théologiens ; il y a une « imprégnation » de la religion et de la raison ! Le Cardinal de Lubac l’a bien montré dans son livre « Nature et Grâce », Collection Communio chez Fayard.

(Au n° 122 du Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, il est dit : « La réalité nouvelle que donne Jésus Christ ne se greffe pas sur la nature humaine, elle ne vient pas s’y ajouter de l’extérieur : au contraire, elle est cette réalité de cette communion avec le Dieu Trinitaire vers laquelle les hommes sont toujours orientés au plus profond de leur être, grâce à leur similitude avec Dieu en vertu de la Création ,mais il s’agit d’une réalité qu’ils ne peuvent atteindre par leur seule force. Par l’Esprit de Jésus Christ, Fils Incarné de Dieu, en qui cette réalité de communion est déjà réalisée de façon singulière, les hommes sont accueillis comme Fils de Dieu (cf . Romains 8, 14-17 ; Galates 4, 4-7). Par le Christ, nous participons à la nature de Dieu, qui nous « donne infiniment au-delà de ce que nous pouvons demander ou concevoir » (Ephésiens 3,20) ? Ce que les hommes ont reçu n’est qu’un gage ou « une caution » (2 Corinthiens 1,22 ; Ephésiens 1,14) de ce qu’ils n’obtiendront totalement que devant Dieu, vu « face à face » ( 1 Corinthiens 13,12) à savoir une caution de la vie éternelle. »)

Jean Paul II, nous ouvre une fenêtre sur cette conception de la souffrance. A Lourdes, le 15 Août 1983, il disait : « Sur la Croix, le Christ a pris sur Lui tout le poids du mal et a enlevé le « péché du monde » (Jean 1,29), dont la maladie n’est qu’une conséquence. Par Sa Passion et Sa Mort sur la Croix, le Christ a donné un sens nouveau à la souffrance : elle peut désormais nous conduire à Lui et nous unir à sa passion Rédemptrice. »

Les animaux ressentent-ils la douleur ? Oui, bien sûr ! J’ai employé sciemment le mot douleur, et non pas celui de souffrance parce que celle-ci (la souffrance) implique quelque chose de subjectif, et que chez l’animal, bien sûr, il est difficile de savoir la permanence de cette douleur ! S’il a une mémoire, (et il en a certainement un ,qu’on pense, par exemple, aux chiens désespérés par la mort de leur maître qui se laissent dépérir …)

Et les hommes ? On entrevoit bien la tendance qui se fait jour ces temps derniers : la douleur serait la seule « voie scientifique », la seule digne de considération, car exempte de toute interprétation « extra-matérialiste » … c’est le « néo-positivisme » contemporain. Alors, toute souffrance qui serait « immatérielle », celle d’une mère accompagnant son enfant agonisant, celle d’un prisonnier, celle de tout être privé de liberté (par exemple, un esclave …) ne serait-elle qu’illusion ?

De plus en plus, les mots « douleur » et « souffrance » semblent se disjoindre ? Et pourtant, malgré les progrès de la médecine, la souffrance semble bien augmenter, ne serait-ce que les traitements, anti-cancéreux entre autres, sont de plus en plus efficaces ! D’une part les soins palliatifs se développent, mais aussi se fait jour la tentation de plus en plus prégnante d’abréger la vie (dans certains pays du Bénélux, l’autorisation d’euthanasie peut être donnée dès l’âge de 12 ans !)

Il faut envisager la différence notable entre « agnosticisme » et « Révélation » … (notons aussi que la différence est grande entre « athéisme » et « agnosticisme », même si les deux termes ne sont pas toujours distingués … L’athéisme est une décision à priori que Dieu n’existe pas, alors que l’agnostique s’estime en recherche, mais sans conclusion). La Révélation, au contraire, pense que Dieu s’est révélé ; c’est un Don bien sûr, c’est une Grâce, mais, il faut la demander !

Mais revenons à notre question du début. La souffrance est-elle le fruit d’une Révélation ? Bien sûr que non ! Tous les hommes souffrent, croyants ou non, mais c’est la Révélation seule qui donne le sens, la signification de cette souffrance

Dans l’agnosticisme, plusieurs situations sont possibles :

- il peut s’agir d’une simple « paresse » à chercher la vérité, malheureusement très répandue de nos jours, surtout en Occident : « ignorance vincible», la plus grave (Gaudium et Spes n° 16).

- mais, il peut s’agir d’une pierre d’attente et d’une simple recherche « honnête »de la vérité.

(Témoin la recherche de Edith Stein, assistante chez Edmund Husserl ; une nuit, chez une amie, elle lit « l’Autobiographie » de Sainte Thérèse d’Avila et elle pense : « Là, est la Vérité »).

C’est aussi le cas du Cardinal Newman rejoignant l’Eglise de Rome après des années comme pasteur anglican. Il disait, et le Pape Jean Paul II l’a souligné dans son Encyclique « Veritatis Splendor » : « Quand une personne a découvert la vérité, elle doit s’y tenir » (on peut rappeler ce que dit Jésus en parlant de la pierre précieuse : quand un négociant l’a trouvé, il vend tout ce qu’il possède)

(Benoît XVI l’a canonisé à Birmingham, lors de son voyage au Royaume Uni)

De nombreux philosophes et psychanalystes (par exemple, Julia Kristeva, Marie Balmary …) reconnaissent leur recherche comme une pierre d’attente. Bien évidemment, on est loin là de l’agnosticisme par simple indifférence religieuse, se cantonnant dans cette indifférence.

La Révélation, au contraire, pense que Dieu s’est Révélé. Bien sûr, c’est un Don, une Grâce, mais, on peut, on doit même, la demander.

Mais, revenons à notre question du début. La souffrance est-elle le fruit d’une Révélation ? Bien sûr que non ! Tous les hommes souffrent, qu’ils aient reçu ou non la grâce d’une révélation. Les hommes, et même les animaux, nous l’avons vu, ont reçu la grâce de compatir. C ‘est la Révélation qui donne le sens, la signification de cette souffrance !

La tentation existe, quand la souffrance est trop forte et de nier avoir reçu une Révélation : « Si Dieu m’aimait … ». Jean Paul II dans son ouvrage (Salvifici Doloris) analyse cette situation.

On peut encore rappeler ce que dit Jésus dans le Discours d’Adieu dans l’Evangile de Jean (Jn 17,17) : « Consacre-les dans la vérité, ta Parole est vérité ».

Pour la médecine, le risque est grand ! La pensée grecque, puis européenne qui ont contribué à faire faire tant de progrès en médecine, (ce n’est pas fini, qu’on pense, par exemple aux scanners, échographies, lasers, etc.) Mais le risque est grand pour cette médecine qui est née en milieu religieux et a perdu « ce socle » … le désarroi des praticiens risque d’être grand.

Ce qui intéresse les chercheurs, ce sont « les voies de la douleur » et « les neuromédiateurs », par exemple …Ces chercheurs (assez souvent eux-mêmes médecins) sont, soit agnostiques, soit athées … (me vient à l’esprit la réflexion d’une femme psychiatre à un Colloque anniversaire de l’Aide à l’Eglise en Détresse, vers 2008, disant que dans l’hôpital psychiatrique où elle était -dans le Vaucluse, je crois- la grande majorité des malades croyait en Dieu, alors que pour les soignants, la proportion était inversée !)

Depuis beaucoup plus longtemps, les Psychiatres, (qui n’étaient pas agnostiques à cette époque !) ont cherché le sens de « la souffrance psychiatrique ». Malheureusement, s’est introduit, au moins en France, une séparation entre neurologie et psychiatrie absolument néfaste ! (Le Docteur Baruk, par exemple, dit qu’il a « récupéré » en Psychiatrie des malades qui avaient un Hématome Sous-Dural !). Cette séparation n’a fait qu’aggraver encore un matérialisme déjà latent. C’est la conséquence d’un néo-positivisme ambiant.

La souffrance, pour beaucoup, n’est « que » le résultat de l’échec temporaire de la médecine (ce sont des médecins chercheurs qui le disent ainsi que des Prix Nobel). Pourtant, cette souffrance ne fait qu’augmenter, ne serait-ce que par les traitements qui sont de plus en plus agressifs, mais aussi de plus en plus efficaces, contre le cancer, par exemple. Mais est-ce illusoire de chercher un sens à la souffrance ?

Vers les années 1975, s’est heureusement développé un fort courant (né en Grande Bretagne) appelé « les Soins Palliatifs », signifiant que la douleur n’était pas qu’un problème matériel !

Dans la médecine moderne (ce paragraphe en suit un autre concernant « l’acharnement thérapeutique »), ce qu’on appelle les « soins palliatifs » prend une particulière importance, ces soins sont destinés à rendre la souffrance plus supportable dans la phase finale de la maladie et à rendre possible en même temps pour le patient un accompagnement humain approprié. Dans ce cadre se situe entre autres, le problème de la licéité du recours aux divers types d’analgésiques et de sédatifs pour soulager la douleur du malade, lorsque leur usage comporte le risque d’abréger la vie. De fait, si l’on peut juger digne d’éloge la personne qui accepte volontairement de souffrir en renonçant à des interventions anti-douleur pour garder toute sa lucidité et , si elle est croyante, pour participer de manière consciente à la Passion du Seigneur, un tel comportement « héroïque » ne peut être considéré comme n devoir pour tous ? Pie XII avait déjà déclaré qu’il est licite de supprimer la douleur au moyen de narcotiques, même avec pour effets d’amoindrir la conscience et d’abréger la vie, « s’il n’existe pas d’autres moyens, et si dans les circonstances données cela n’empêche pas l’accomplissement d’autres devoirs religieux et moraux » (Discours à un groupe International de Médecins, le 24 février 1957). Dans ce cas , en effet, la mort n’est pas voulue ni recherchée, bien que, dans des limites raisonnables, on en courre le risque : on veut simplement atténuer la douleur de manière efficace, en recourant à des analgésiques dont la médecine permet de disposer. Toutefois, « il ne faut pas, sans raison grave, priver le malade de la conscience de soi » (Paul VI, Message à la Télévision Française »Toute vie est sacrée » le 27 janvier 1971) : à l’approche de la mort, les hommes doivent être en mesure de pouvoir satisfaire à leurs obligations morales et familiales, et ils

doivent surtout se préparer en pleine conscience à leur rencontre définitive avec

Dieu.

Ces distinctions étant faites … je confirme que l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine.(Jean Paul II, Evangelium Vitae n° 66)

Comment en douter quand on assiste des parents qui souffrent avec leur proche, en particulier des mères assistant leur enfant atteint d’affection grave. La Compassion accompagne la Passion : ce que Marie a vécu avec Son Fils se renouvelle tous les jours

De même, beaucoup de souffrances n’ont pas de « substratum » organique ; qu’on pense à la souffrance d’un prisonnier, d’un exclu, d’un réfugié, d’un exilé.

A la rencontre avec le monde de la Culture de Belém, Lisbonne, le 12 mai 2010, Benoît XVI fustige une Civilisation qui a tant apporté à l’Europe et à l’Amérique Latine : « Pour nous Chrétiens, la Vérité est divine, elle est le « Logos » éternel qui a pris une expression humaine en Jésus Christ, lequel a pu affirmer avec objectivité : « Je suis la Vérité » (Jn 14,6)

Il est certain que cette confusion ne peut que diminuer la perception que souffrance pourrait avoir un sens ?

En réponse, on ne peut que citer les mots de Saint Paul dans l’Epître aux Romains (Rm 8, 18-23) : « J’estime donc qu’il n y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. En effet, la Création aspire de toutes ses forces à voir cette Révélation des fils de Dieu. Car, la Création a été livrée au pouvoir du néant, non parce qu’elle l’a voulu, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être elle aussi libérée de l’esclavage, de la dégradation inévitable pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons bien, la Création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Nous aussi crions en nous-mêmes notre souffrance : nous commencions par recevoir le Saint Esprit, mais nous attendons la délivrance de notre corps. » (Il signifie notre corps « terrestre » qui sera transformé en « corps glorieux » ; le Christianisme n’épouse pas la vue des philosophes grecs qui méprisent le « corps » !)

La tendance actuelle est de n’accorder aucune valeur à la souffrance. Elle n’est qu’un pis-aller ou mieux qu’un échec temporaire de nos facultés de connaissance. Cependant, elle semble s’exacerber et les progrès de la médecine n’ont apparemment fait que l’augmenter … En effet, l’augmentation de la puissance des médicaments prolongeant la survie de maladies autrefois réputés incurables, l’augmentation de l’espérance de vie de nombreuses populations ont été responsables de l’augmentation des phénomènes douloureux : l’augmentation des cancers et leur meilleur traitement ont rendu nécessaires le développement des soins palliatifs.

Mais ces suites ont aussi développés l’idée que la souffrance et son sens sont incompréhensibles d’où « le retrait » de la pensée vers un agnosticisme, qui parfois peut être un « retrait » commode ( Mgr. Wingle, évêque au Canada parle d’agnosticisme fonctionnel).

Il s’agit d’un hédonisme, qui est souvent une démission

Et, pourtant, ce sens doit exister ; comment concevoir que la souffrance d’un très jeune enfant n’a pas de sens ? (Ou alors, vaut-il mieux, comme disait Dostoïevski dans « les Frères Karamazov » rendre son tablier ?) ; ce serait la démission de toute métaphysique que de prétendre cela !

Et, pourtant, la métaphysique ne peut en donner une explication, est-ce l’échec de la philosophie ?

Seule, la Croix du Christ nous en donne la solution.

Saint Paul nous laisse entendre que seule la Croix du Christ donne un sens à la SOUFFRANCE HUMAINE : nous ne voulons pas nous dépouiller de nos anciens vêtements … la douleur nous répugne ! « L’intelligence a été aveuglée par le Dieu de ce monde. Il les empêche de voir resplendir dans l’Evangile la gloire du Christ, Lui qui est l’Image de Dieu. En effet ce que nous annonçons, ce n’est pas nous-mêmes, c’est ceci : Jésus-Christ est Seigneur (c'est-à-dire Dieu) et nous sommes ses serviteurs … car, nous le savons, Celui qui a Ressuscité Jésus d’entre les morts, nous Ressuscitera avec Jésus … » (2 Corinthiens 4,3à5, puis 14)

Plus tôt, dans la 1° épître aux Corinthiens, il avait dit : « Car le Langage de la Croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, il est puissance de Dieu … » (1 Co 1,18), puis « Alors que les Juifs réclament les signes du Messie et que le monde grec recherche une sagesse, nous proclamons un Messie Crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux que Dieu appelle, Il est puissance de Dieu … ce message est Puissance de Dieu et Sagesse de Dieu. Car la folie de Dieu est plus sage que l’homme et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme. » (1 Co 1,19)

Depuis St Paul, nombreux sont ceux qui refusent la Croix du Christ, et qui se fient à leur sagesse propre : ce sont les héritiers de cette sagesse grecque que dénonce Paul. Ou bien, ils n’acceptent pas que Celui qu’on présente comme Fils de Dieu meure en Croix (C’est la position des musulmans, entre autres …). Cette mort en Croix est aussi inconcevable dans le monde juif. Pour les uns et les autres, c’est indigne d’un Dieu …

Les Spirituels, depuis toujours, nous disent qu’en fait, souffrance et amour sont indissociables … nous verrons plus loin ce qu’en disent Padre Pio et Marthe Robin, mais tous les Spirituels au fil des Siècles l’ont répété, à la suite de Jésus qui a souffert « sans avoir commis de faute ».

« Salvifici doloris »

Jean Paul II

11février 1984

Dans la compréhension de la souffrance, le texte de Jean Paul II est majeur : il rassemble toute l’expérience de l’Eglise, Ancienne et Nouvelle Alliance ensemble. Ce texte est fondamental à l’heure où souvent toute signification est niée à la souffrance, niée ou tout au moins ignorée ; le matérialisme théorique, du temps du marxisme soviétique n’a pas disparu dans les régimes asiatiques ; mais, il s’est transformé dans nos pays occidentaux en matérialisme pratique toute notre culture est dominée par un positivisme ou un néopositivisme où est exclu toute notion de gratuité ou de don, si bien que le rôle de l’Esprit Saint est réduit à néant : c’est le règne du consumérisme.

Nous sommes entrés dans une culture de mort, vigoureusement dénoncée quelques années plus tard par le même Jean Paul II dans Evangelium Vitae (1995), le drame, c’est que cette culture tend à diffuser hors des pays du Nord par le biais du mercantilisme.

Mais, il est certain que les mots de Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? », lors du procès de Jésus font le lit de ce relativisme et a essaimé dans les Assemblées Internationales. Ce scepticisme est la plaie de notre époque et oublie que la Résurrection est un message qui s’adresse à tous les peuples.. Introduction

n°1 -

L’Apôtre Paul écrit « Je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous » (Col 1, 24) La joie vient de la découverte du sens de la souffrance, et même si Paul de Tarse qui écrit ces paroles, y participe d’une manière très personnelle, cette découverte vaut en même temps pour les autres.

n°2 -

La souffrance semble appartenir à la transcendance de l’homme, c’est un des points sur lesquels l’homme est en un sens « destiné » à se dépasser lui même, et il y est appelé d’une façon mystérieuse.

n°3 -

Le Rédemption s’est accomplie par la Croix du Christ, c’est à dire par sa souffrance … nous repensons à la vérité exprimée dans l’encyclique Redemptor Hominis : dans le Christ « tout homme devient la route de l’Eglise ». On peut dire que l’homme devient la route de l’Eglise particulièrement quand le souffrance entre dans sa vie … L’Eglise qui naît du mystère de la Rédemption dans la Croix du Christ, a le devoir de rechercher la rencontre avec l’homme d’une façon particulière sur le chemin de sa souffrance.

n°4 -

La souffrance humaine inspire la compassion, elle inspire en même temps le respect et à sa manière elle intimide. Car elle porte en elle la grandeur d’un mystère spécifique … le besoin du cœur nous ordonne de vaincre la timidité, et l’impératif de la foi indique les motivations au nom et en vertu desquelles nous osons toucher ce qui semble inaccessible en chaque homme, car l’homme dans sa souffrance, reste un mystère inaccessible.

II/ Le monde de la souffrance humaine

n°5 -

On peut dire que l’homme souffre lorsqu’il éprouve un mal, quel qu’il soit. Dans le vocabulaire de l’Ancien Testament, le rapport entre souffrance et le mal se présente clairement comme une identité. En effet, ce vocabulaire ne possédait pas de mot spécifique pour designer la « souffrance », aussi définissait-il comme mal tout ce qui était souffrance. Seule la langue grecque – et avec elle le Nouveau Testament (et les traductions grecques de l’Ancien testament) – se sert du verbe « patior » et grâce à ce terme, la souffrance n’est plus directement identifiable au mal (objectif), mais elle désigne une situation dans laquelle l’homme éprouve le mal et en l’éprouvant devient sujet de souffrance.

La réponse chrétienne à ce sujet (expérience du mal dans la souffrance de l’homme) diffère de celle qui est donnée par certaines traditions culturelles et religieuses, pour lesquelles l’existence est un mal dont il faut se libérer. Le Christianisme proclame que l’existence est fondamentalement un bien. Il professe la bonté du Créateur et proclame que les créatures sont bonnes … l’homme souffre pourrait-on dire, en raison d’un bien auquel il ne participe pas, dont il est, en un sens dépossédé, ou dont il s’est privé lui même.

n°8 -

La souffrance humaine constitue « en soi » comme un « monde » spécifique, qui existe en même temps que l’homme.

Le monde de la souffrance possède comme une solidarité qui lui est propre … et donc un singulier appel à la communion et à la solidarité.

De cette façon, ce monde de souffrance, qui, en définitive, a son sujet en chaque homme semble se transformer à notre époque –peut être plus que qu’à aucun autre moment – en une particulière « souffrance du monde », du monde qui est plus que jamais transformé par le progrès grâce à l’action de l’homme, et qui, en même temps est plus que jamais en danger à causes des erreurs et des fautes de l’homme

III/ Recherche de la réponse à la question sur la souffrance

n°9 -

Au cœur de toute souffrance éprouvée par l’homme, et aussi à la base du monde entier des souffrances apparaît inévitablement la question : pourquoi ? C’est une question sur la cause, la raison ; c’est en même temps une question sur le but (pour quoi ?) et en définitive, sur le sens. Non seulement ; elle accompagne la souffrance humaine , mais elle semble aller jusqu’à en déterminer le contenu humain. Ce pour quoi la souffrance est à proprement parler une souffrance humaine.

Evidemment, la douleur physique est largement répandue dans la monde des animaux, mais, seul l’homme, en souffrant, sait qu’il souffre ; et se demande pour quelle raison ; et il souffre d’une manière plus profonde encore s’il ne trouve pas de raison satisfaisante. C’est là une question difficile, comme l’est cette autre très proche, qui porte sur le mal. Pourquoi le Mal ?

Cette question du mal, l’homme en effet, l’homme ne la pose pas au monde, bien que la souffrance lui vienne souvent de lui, mais il la pose à Dieu. Et l’on sait bien que, sur ce terrain, non seulement on arrive à de multiples frustrations et conflits dans les rapports de l’homme avec Dieu, mais il peut se faire que l’on en arrive à la négation même de Dieu … plus encore lorsque l’on voit tant de souffrances sans qu’il y ait eu de fautes et de tant de fautes sans peine adéquate en retour.

n°10 -

Cette question, l’homme peut l’adresser à Dieu, avec toute l’émotion de son cœur, l’esprit saisi d’étonnement et d’inquiétude, et Dieu entend la demande et l’écoute, comme nous le voyons dans la révélation de l’Ancien Testament.

n°11 -

Toutefois, Job conteste la vérité du principe qui identifie la souffrance avec la punition du pêché. Le livre de Job n’attaque pas les bases de l’ordre moral transcendant fondé sur la justice, telles qu’elles sont proposées dans toute la révélation dans l’ancienne, comme dans la nouvelle Alliance. Mais, simultanément, ce livre montre avec la plus grande fermeté que les principes de cet ordre ne peuvent s’appliquer de façon exclusive et superficielle. S’il est vrai que la souffrance a un sens comme punition lorsqu’elle est liée à une faute, il n’est pas vrai au contraire que toute souffrance soit une conséquence de la faute et ait un caractère de punition.

… Et si Dieu consent à éprouver Job par la souffrance, il le fait pour montrer la justice de ce dernier. La souffrance a un caractère d’épreuve.

Le livre de Job ne représente pas le dernier mot de la Révélation sur ce thème. Il est en un sens une annonce de la Passion du Christ.

n°12 -

Le livre de Job soulève de manière aigüe le « pourquoi » de la souffrance, il montre également que celle-ci frappe l’innocent, mais il ne donne pas encore la solution du problème.

Déjà dans l’Ancien Testament, nous remarquons une tendance qui cherche à dépasser l’idée selon laquelle, la souffrance n’a de sens que comme punition du pêché, car on souligne en même temps la valeur éducative de cette peine qu’est la souffrance.

La peine a avant tout un sens, parce qu’elle crée la possibilité de reconstruire le bien dans le sujet même qui souffre.

La souffrance doit servir à la conversion, c’est à dire à la reconstruction du bien dans le sujet qui peut reconnaître la miséricorde divine dans cet aspect.

n°15 –

Mais quand nous sommes invités (en particulier depuis la lecture de Job) à penser que le mal ne peut pas toujours être imputable à une faute, « on ne peut non plus renoncer au critère selon lequel, à la base des souffrances humaines, il y a des compromissions de toutes sortes avec le pêché » ; et plus haut : même si c’est avec la plus grande prudence que l’on doit juger la souffrance de l’homme comme conséquence de pêchés concrets ( comme le montre précisément l’exemple de Job), on ne peut cependant pas le séparer du pêché des origines, de ce qui chez Saint Jean est appelé le « pêché du monde » (Jn 1,29).

Il en va de même quand il s’agit de la mort. On va jusqu’à l’attendre comme une libération … et en même temps, il ne saurait nous échapper qu’elle constitue comme une synthèse définitive de leur œuvre destructrice tant dans l’organisme corporel que dans la vie psychique. Mais la mort comporte avant tout la désagrégation de toute personnalité. Ainsi donc, même si la mort n’est pas une souffrance au sens temporel du mot, même si, d’une certaine façon, elle se trouve au delà de toutes les souffrances, le mal que l’être humain expérimente en elle a un caractère définitif et totalisant.

SD n°15 –

Le Fils Unique libère l’homme du pêché et de la mort. Il commence par effacer de l’histoire de l’homme la domination du pêché qui s’est enraciné sous l’influence de l’esprit du mal, dès le pêché originel, puis il donne à l’homme la possibilité de vivre dans la grâce sanctifiante … dans le sillage de la victoire sur le pêché, il enlève aussi à la mort son pouvoir, ouvrant la porte par sa Résurrection à la future résurrection des corps. L’un et l’autre sont des conditions essentielles de « la vie éternelle » … cela signifie, pour les sauvés, que dans la perspective eschatologique, la souffrance est totalement effacée, même si la victoire sur le pêché et sur la mort, remportée par le Christ grâce à la Croix et à sa Résurrection ne supprime pas les souffrances temporelles de la vie humaine, et ne libère pas de la souffrance l’existence humaine dans la totalité de sa dimension historique, elle jette cependant une lumière nouvelle – la lumière du salut – sur toute cette dimension historique et sur toute souffrance. Et cette lumière est celle de l’Evangile … le Père éternel donne « son Fils » afin qu’Il atteigne les racines mêmes du mal humain, et qu’ainsi, porteur du salut, Il se rende proche du monde de la souffrance tout entier auquel l’homme participe.

n°16 –

Dans son activité messianique, pourtant, le Christ s’est fait proche du monde de la souffrance humaine.

Il a été de plus en plus hermétiquement enfermé dans un cercle d’hostilité, et les préparatifs pour le faire disparaître du monde des vivants sont devenus de plus en plus manifestes.

C’est précisément par cette souffrance qu’Il doit faire en sorte que « l’homme ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). C’est précisément par Sa Croix, qu’Il atteindra les racines du Mal enfoncées dans l’histoire de l’homme, et dans l’âme humaine. C’est précisément par Sa Croix qu’Il doit accomplir l’œuvre du Salut. Cette œuvre, dans le dessein de l’Amour Eternel, a un caractère Rédempteur.

Dieu s’achemine vers Sa propre souffrance, conscient de Sa force salvifique ; Il va obéissant à son Père, mais surtout Il est uni à son Père dans l’Amour même dont le Père a aimé le monde, et l’homme dans le monde. Et c’est pourquoi Saint Paul écrira du Christ « Il m’a aimé et s’est livré pour moi ».(Gal 2,20)

n°17 –

Les Ecritures devaient s’accomplir. Nombreux étaient les textes messianiques de l’Ancien Testament qui annonçaient les souffrances du futur Oint de Dieu. L’un d’entre eux est particulièrement touchant, celui qu’on appelle habituellement le quatrième chant du serviteur de Yahweh. Le prophète, appelé à juste titre « le cinquième évangéliste » présente dans ce chant l’image des souffrances du Serviteur avec un réalisme aigu, comme s’il les voyait de ses propres yeux, les yeux du corps et ceux de l’esprit.

« Il n’avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards … objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance … »

« Or, ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui et dans ses blessures, nous trouvons la guérison. Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous. » (Isaïe 53,2-6)

Ce qui nous touche dans les paroles du prophète, plus encore que cette description de la Passion, c’est la profondeur du sacrifice du Christ. Bien qu’innocent, voici qu’Il se charge des souffrances de tous les hommes, parce qu’il se charge des pêchés de tous. « Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous » (Is 53,2-6) : tout le pêché de l’homme dans son étendue et sa profondeur devient la véritable cause de la souffrance du Rédempteur … on peut dire que c’est une souffrance de « substitution », mais elle est surtout une souffrance « de rédemption ». L’homme de douleur, de cette prophétie est vraiment « l’Agneau de Dieu qui enlève le pêché du monde » (Jn 1,29).

Dans Sa souffrance, les pêchés sont effacés précisément parce que Lui seul, comme Fils Unique, a pu les prendre sur Lui, les assumer avec un amour envers le Père qui surpasse le mal de tout pêché ; en un certains sens, il anéantit ce mal dans l’espace spirituel des rapports entre Dieu et l’humanité et Il remplit cet espace avec le Bien …

Lui seul – Lui le Fils Unique – est capable d’étreindre l’étendue du mal contenu dans le pêché de l’homme : dans tout pêché et dans le mal « total », selon les dimensions de l’existence historique de l’humanité sur terre.

n°18 –

Le Serviteur souffrant se charge d’une manière totalement volontaire des souffrances : « Maltraité, il s’humiliait il n’ouvrait pas la bouche comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir. Comme devant les tondeurs, une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche … on lui a donné une sépulture avec les impies, et sa tombe est avec le riche » (Isaïe 53, 7-9)

Le Christ souffre volontairement et c’est innocent qu’Il souffre – Jésus apporte la plus complète des réponses (à la question de Job) … la réponse à l’interrogation sur la souffrance et sur le sens de la souffrance, le Christ la donne non seulement par son enseignement, c’est à dire, la Bonne Nouvelle, mais avant tout par sa propre souffrance qui est complétée d’une manière organique et indissoluble par cet enseignement de la Bonne Nouvelle.

Et, c’est là le mot ultime, la synthèse de cet enseignement « le langage de la Croix », comme le dira un jour Saint Paul (1 Co 1, 18)

Bien des discours, dans l’enseignement public du Christ, témoignent que celui-ci accepte d’emblée cette souffrance, qui est la volonté du Père pour le salut du monde … Les paroles de la prière du Christ à Gethsémani prouvent la vérité de l’amour par la vérité de la souffrance. Les paroles du Christ confirment en toute simplicité cette vérité humaine de la souffrance jusqu’au fond : la souffrance, c’est subir le mal, devant lequel l’homme frémit.

Gethsémani est le lieu où précisément, cette souffrance dans toute la vérité exprimée par le prophète sur le mal qu’elle fait ressentir, s’est révélée quasi définitivement à l’âme du Christ.

Après les paroles de Gethsémani viennent les paroles prononcées sur le Golgotha : elles témoignent de la profondeur unique dans l’histoire du monde du mal que représente l’épreuve de la souffrance … En même temps que ce poids horrible mesurant « tout » le mal contenu dans la péché – qui consiste à tourner le dos à Dieu, le Christ par la profondeur divine de l’union filiale à son Père perçoit d’une façon humaine inexprimable la souffrance qu’est la séparation, le rejet du Père, la rupture avec Dieu. Mais, c’est justement avec souffrance qu’il opère la Rédemption et qu’il peut dire en expirant « Tout est accompli » (Jn 19,30).

On peut dire ainsi que l’Ecriture s’est accompli, que se sont définitivement réalisées les paroles du chant du serviteur souffrant. (Is 53, 10) « Le Seigneur a voulu l’écraser par la souffrance ». La souffrance humaine a atteint son sommet dans la Passion du Christ : et en même temps … elle a été liée à l’amour, à l’amour dont le Christ parlait à Nicodème, à l’amour qui crée le bien, en le tirant même du mal, en le tirant au moyen de la souffrance … La Croix du Christ est devenue une source d’où coulent des fleuves d’eau vive. (Jn 7, 37-38)

n°19 – (En Isaïe toujours)

« Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes … il a été compté parmi les criminels alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les criminels » (Is 53, 10-12).

On peut dire qu’avec la passion du Christ toute souffrance humaine s’est trouvée dans une situation nouvelle. Cette situation, il semble que Job l’ait pressentie … et qu’il oriente vers elle sa propre souffrance, qui sans la Rédemption, n’aurait pu lui révéler la plénitude de sa signification. Dans la Croix du Christ, non seulement la Rédemption s’est accomplie par la souffrance, mais de plus la souffrance humaine a été rachetée … Voici comment s’exprime l’apôtre Pierre dans sa première lettre « Sachez que ce n’est par rien de corruptible, argent ou or, que vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères, mais par un sang précieux, comme d’un agneau sans défaut et sans tâche, celui du Christ ».(1 P 1, 18-19)

Tout homme participe d’une manière ou d’une autre à la Rédemption. Chacun est appelé lui aussi, à participer à la souffrance par laquelle la Rédemption s’est accomplie. Il est appelé à participer à la souffrance par laquelle toute souffrance humaine a aussi été rachetée. En opérant la Rédemption par la souffrance, le Christ a élevé en même temps la souffrance humaine jusqu’à lui donner valeur de Rédemption. Tout homme, donc, dans sa souffrance, participe à la souffrance Rédemptrice du Christ.

n°20 -

Dans la seconde lettre aux Corinthiens l’apôtre Paul écrit : « Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée en notre corps. »

Saint Paul parle des diverses souffrances, et en particulier de celles que subissent les premiers chrétiens « à cause de Jésus ». Ces souffrances permettent aux destinataires de la lettre de prendre part à l’œuvre de la Rédemption accomplie moyennant les souffrances et la mort du Rédempteur. L’éloquence de la Croix et de la mort est complétée toutefois, par l’éloquence de la Résurrection … c’est pourquoi l’Apôtre écrira aussi dans la seconde aux Corinthiens « De même, en effet que les souffrances du Christ abondent pour nous, ainsi par le Christ, abonde aussi notre consolation » (2 Corinthiens 1,5) … Et dans la lettre aux Romains, il écrit « Je vous exhorte frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en Hostie vivante, sainte, agréables à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre » (Romains 12,1)

Si un homme en vient à participer aux souffrances du Christ, c’est parce que le Christ a ouvert sa souffrance à l’homme, parce que Lui-même dans sa souffrance Rédemptrice a participé en un sens à toutes les souffrances humaines.

Cette découverte ( du partage de nos souffrances par le Christ) a inspiré des paroles particulièrement fortes dans la lettre de Saint Paul aux Galates « Je suis crucifié avec le Christ, et ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 19-20)

Et si le Christ en Croix a aimé ainsi, jusqu’à souffrir et mourir, c’est avec cette souffrance et cette mort qu’Il vit en celui qu’Il a aimé ainsi qu’Il vit en l’homme Paul. Et en vivant en lui, le Christ devient aussi d’une manière particulière uni à l’homme : en Paul, par la Croix « Pour moi (Paul) que jamais je ne me glorifie, sinon dans la Croix de notre Seigneur, Jésus Christ, qui a fait du monde un crucifié pour moi, et de moi, un crucifié pour le monde » Ga 6, 14

n°21 –

La Croix du Christ jette la lumière salvifique d’une manière aussi pénétrante sur la vie de l’homme, et en particulier sur sa souffrance, parce que, grâce à la foi, elle le rejoint en même temps que la Résurrection : le mystère de la passion est contenu dans le mystère Pascal … Paul écrit : « Il s’agit de Le connaître, Lui, avec la puissance de Sa Résurrection, et la communion à Ses souffrances, Lui devenir conforme dans Sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts » (Philippiens 3, 10-11)

Dans les expressions de l’Apôtre sur le thème de la souffrance apparaît si souvent le motif de la gloire à laquelle la Croix du Christ donne naissance.

Les témoins de la Croix et de la Résurrection étaient convaincus que « il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu » (Actes des Apôtres 14,22). Et Paul écrivant aux Thessaloniciens s’exprimait ainsi : « Nous mêmes sommes fiers de vous ...de votre constance, de votre foi, dans toutes les persécutions et tribulations que vous supportez. Par là, se manifeste le juste jugement de Dieu où vous serez jugés dignes du Royaume de Dieu pour lequel vous souffrez vous aussi » (2 Thessaloniciens 1, 4-5)Ainsi donc, la communion aux souffrances du Christ est en même temps souffrance pour le Royaume de Dieu. Le Christ nous a introduit dans ce royaume par sa souffrance. C’est aussi par la souffrance que deviennent mûrs pour Lui les hommes plongés dans la mystère de la Rédemption du Christ.

n°22 -

La Résurrection a révélé la gloire du Christ – la gloire eschatologique qui dans la Croix du Christ, était complètement obscurcie par l’immensité de la souffrance. Ceux qui communient aux souffrances du Christ sont aussi appelés, moyennant leurs propres souffrances à prendre part à la gloire. C’est ce que Saint Paul exprime en plusieurs endroits. Il écrit aux Romains « Nous sommes cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec Lui pour être aussi glorifiés avec Lui. J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous » (Romains 8, 17-18).

Dans la 2è lettre aux Corinthiens, nous lisons : « Car la légère tribulation d’un instant nous prépare, jusqu’à l’excès, une masse éternelle de gloire, à nous qui ne regardons pas aux choses visibles, mais aux invisibles ». (2 Corinthiens 4, 17-18)

L’apôtre Pierre exprimera cette vérité dans les paroles suivantes de sa Première Lettre : « Dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez vous, afin que, lors de la révélation de sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse » (1 P 4, 13)

Le motif de la souffrance et de la gloire a un caractère strictement évangélique qui s’éclaire par la référence à la Croix et à la Résurrection. La Résurrection est avant tout la manifestation de la gloire qui répond à l’élévation du Christ par la Croix.

Si, en effet, la Croix a représenté aux yeux des homme le dépouillement du Christ, elle a représenté en même temps aux yeux de Dieu son élévation … Dans la faiblesse, il a manifesté sa puissance, et dans l’humiliation, toute sa grandeur messianique. Ne trouve-t-on pas une preuve de cette grandeur dans toutes les paroles prononcées durant l’agonie sur le Golgotha, et spécialement celles qui concernent les auteurs de la crucifixion : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34)

La Résurrection du Christ a révélé « la gloire du siècle à venir » et en même temps, elle a confirmé « l’exaltation de la Croix » : cette gloire qui est comprise dans la souffrance même du Christ, telle qu’elle se reflète dans la souffrance de l’homme comme expression de sa grandeur spirituelle … Dans leurs souffrances à tous ( y compris ceux qui parfois sans avoir la foi au Christ souffrent et donnent leur vie pour la vérité ou pour une juste cause) est confirmée d’une manière particulière la haute dignité de l’homme.

n°23 -

La souffrance, en effet, est toujours une épreuve – parfois une épreuve assez dure – à laquelle l’humanité est soumise. Dans les pages des lettres de Saint Paul, nous sommes souvent frappés par le parallèle évangélique de la faiblesse et la force expérimenté d’une manière particulière par l’Apôtre et qu’éprouvent avec lui tous ceux qui communient aux souffrances du Christ. Il écrit dans la deuxième lettre aux Corinthiens « Je me glorifierai surtout de mes faiblesses afin que repose sur moi la puissance du Christ » (2 Corinthiens 12,9)

Mais si en même temps dans cette faiblesse s’accomplit son élévation (celle du Christ) confirmée par la force de la Résurrection, cela signifie que les faiblesses de toutes les souffrances humaines peuvent être pénétrées de la puissance de Dieu qui s’est manifesté dans la Croix du Christ. Selon cette conception, souffrir signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l’action des forces salvifiques de Dieu offertes à l’humanité dans le Christ.

Dans la lettre aux Romains, saint Paul se prononce de façon encore plus ample sur le thème de cette « naissance de la force dans la faiblesse », de ce renouvellement d’énergie spirituelle de l’homme au milieu des épreuves et des tribulations qui est la vocation spéciale de ceux qui communient aux souffrances du Christ : « Nous nous glorifions encore des tribulations sachant bien que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l’espérance. Et l’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 3-5)

Dans la souffrance est comme contenu un appel particulier à la vertu que l’homme doit exercer pour sa part … en agissant ainsi, l’homme libère l’espérance qui maintient en lui la conviction que la souffrance ne l’emportera pas sur lui, ne le privera pas de la dignité propre à l’homme unie à la conscience du sens de la vie. Et ce sens de la vie, il se manifeste en même temps que l’œuvre de l’amour de Dieu qui est le don de l’Esprit-Saint.

n°24 -

Dans la mystère pascal, le Christ a inauguré son union avec l’homme dans la communauté de l’Eglise … les paroles de l’épître aux Colossiens citées plus haut (« Je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous vous » … Col 1,24) attestent le caractère exceptionnel de cette union. Voici, en effet, que celui qui souffre endure ses tribulations en union avec le Christ,

Dans ce contexte évangélique est mise en relief , de façon particulière, la vérité sur le caractère créateur de la souffrance. La souffrance du Christ a crée le bien de la Rédemption du monde. Ce bien en lui-même est inépuisable et infini. Aucun homme ne peut lui ajouter quoi que ce soit. Mais, en même temps, dans le mystère de l’Eglise qui est son corps, le Christ, en un sens a ouvert sa puissance rédemptrice à toute souffrance de l’homme. Dans la mesure où l’homme devient participant des souffrances du Christ, il complète à sa façon la souffrance par laquelle le Christ a opéré la Rédemption du monde.

Cela semble faire partie de l’essence même de la souffrance rédemptrice du Christ que de tendre à être sans cesse complétée …

La Rédemption vit et se développe comme le Corps du Christ, l’Eglise, et dans cette dimension toute souffrance humaine, en vertu de l’union avec le Christ, complète la souffrance du Christ. Elle la complète comme l’Eglise complète l’œuvre Rédemptrice du Christ.

Le mystère de l’Eglise indique l’espace dans lequel les souffrances humaines complètent les souffrances du Christ.

L’Eglise, qui puise sans cesse aux sources infinies de la Rédemption en introduisant cette Rédemption dans la vie de l’humanité, est précisément la dimension dans laquelle la souffrance rédemptrice du Christ peut être constamment complétée par la souffrance de l’homme. Cela met en relief la nature à la fois humaine et divine de l’Eglise. La souffrance semble en effet relever en quelque sorte des caractéristiques de cette nature. Et c’est pour cela qu’elle a une valeur spéciale aux yeux de l’Eglise. Elle est un bien, devant lequel l’Eglise s’incline avec vénération.

IV/ L’Evangile de la souffrance

n°25 –

Les témoins de la Croix et de la Résurrection du Christ ont transmis à l’Eglise et à l’humanité un Evangile spécifique de la souffrance. Le Rédempteur lui-même a écrit cet Evangile avant tout par sa propre souffrance assumée par amour, afin que « l’homme ne périsse pas, mais ait la Vie Eternelle » (Jn 3,16).

Sa souffrance, avec la parole vivante de son enseignement est devenue une source abondante pour tous les hommes qui ont pris part aux souffrances de Jésus.

Il est réconfortant tout d’abord - et cela correspond à la vérité évangélique et historique – de noter qu’auprès du Christ, à la toute première place, auprès de lui, et bien en évidence, se trouve toujours sa Très Sainte Mère, car, par toute sa vie, elle rend un témoignage exemplaire à cet Evangile particulier de la souffrance.

Sa montée au calvaire (Marie), « sa présence » au pied de la Croix avec le disciple bien aimé ont été une participation tout à fait spéciale à la mort Rédemptrice de son fils, de même que les paroles qu’elle a pu recueillir de ses lèvres ont été comme une remise solennelle de cet Evangile particulier destiné à être annoncé à toute la communauté des croyants.

Témoin de la passion de son Fils par sa présence, y participant par sa compassion, Marie, la très sainte a apporté une contribution singulière à l’Evangile de la souffrance, et elle a réalisé avant l’heure ce qu’affirmait Saint Paul dans les paroles citées au début de ces pages : « elle complète dans sa chair ce qui manque aux souffrances du Christ » (Col 1,24).

L’Evangile de la souffrance, cela veut dire non seulement la présence de la souffrance dans l’Evangile comme l’un des thèmes de la Bonne Nouvelle, mais également la révélation de la force salvifique et du sens salvifique de la souffrance dans la mission messianique du Christ, et ensuite, dans la mission et la vocation de l’Eglise.

Le Christ ne cachait pas à ceux qui l’écoutaient la nécessité de la souffrance. Très clairement, il disait « si quelqu’un veut venir à ma suite … qu’il se charge de sa croix chaque jour » et à ses disciples, il posait des exigences de nature morale, dont la réalisation est possible seulement à condition de se renier soi-même.

Bien des fois, le Christ disait aussi que ceux qui seraient ses disciples et confessaient la foi auraient à subir de nombreuses persécutions, ce qui on le sait est arrivé, non seulement dans les premiers siècles de la vie de l’Eglise, mais n’a pas cessé de se produire.

Ce premier chapitre de l’Evangile de la souffrance qui parle des persécutions, c’est à dire des tribulations à cause du Christ, contient en lui même un appel particulier au courage et à la force soutenu par le fait éloquent de la Résurrection … le Christ a vaincu en même temps ce monde par sa souffrance … Il manifeste la force victorieuse de la souffrance.

n°26 -

Si le premier grand chapitre de l’Evangile de la souffrance est écrit au cours des générations par ceux qui souffrent des persécutions pour le Christ, en même temps que lui, un autre grand chapitre de cet Evangile se déploie tout au long de l’histoire. Il est écrit par tous ceux qui souffrent avec le Christ en unissant leurs souffrances humaines à la souffrance salvifique.

A travers les siècles et les générations humaines, on a constaté que dans la souffrance se cache une force particulière qui rapproche intérieurement l’homme du Christ, une grâce spéciale … le fruit de cette conversion, c’est non seulement le fait que l’homme découvre le sens salvifique de la souffrance, mais surtout, que dans la souffrance, il devient un homme totalement nouveau. Lorsque le corps est profondément atteint par la maladie, réduit à l’incapacité, lorsque la personne humaine se trouve presque dans l’impossibilité de vivre et d’agir, la maturité intérieure et la grandeur spirituelle deviennent d’autant plus évidentes, et elles constituent une leçon émouvante pour les personnes qui jouissent d’une santé normale.

C’est Lui (l’Esprit-Saint) – comme Maître et Guide intérieur – qui enseigne à ses frères et sœurs qui souffrent cet admirable échange, situé au cœur même du mystère de la Rédemption. La souffrance, en soi, c’est éprouver le Mal. Mais le Christ en a fait le fondement le plus solide du bien définitif, c’est à dire du bien du salut éternel. Par ses souffrances sur la Croix, le Christ a atteint les racines mêmes du mal, c’est à dire celles du pêché et de la mort …

La souffrance, en effet, ne peut être transformée par une grâce venant du dehors, mais par une grâce intérieure. Le Christ de par sa propre souffrance salvifique, se trouve au plus profond de toute souffrance humaine et peut agir de l’intérieur par la puissance de son Esprit de vérité, de son Esprit consolateur. Mais un tel processus intérieur ne se développe pas toujours de la même manière. Bien souvent, il commence et s’établit avec difficulté … on peut cependant affirmer d’emblée que chaque personne entre presque toujours dans la souffrance avec une protestation tout à fait humaine et en posant la question : « pourquoi ? », chacun se demande quel est le sens de la souffrance et cherche une réponse à cette question au plan humain. Il adresse certainement maintes fois cette interrogation à Dieu, et il s’adresse aussi au Christ. En outre la personne qui souffre ne peut point ne pas remarquer que celui auquel elle demande une explication souffre Lui-même, et qu’Il veut lui répondre de la Croix, du plus profond de sa propre souffrance. Pourtant, il faut du temps et même beaucoup de temps, pour que cette réponse commence à être perçue intérieurement. Le Christ, en effet, ne répond ni directement, ni de manière abstraite à cette interrogation humaine sur le sens de la souffrance. l’homme entend sa réponse salvifique au fur et à mesure qu’il devient participant des souffrances du Christ.

Le Christ n’explique pas abstraitement les raisons de la souffrance, mais avant tout Il dit « Suis –moi !» Viens, prends part avec ta souffrance à cet œuvre de salut du monde qui s’accomplit par ma propre souffrance ! … Par ma Croix ! Au fur et à mesure que l’homme prend sa croix, en s’unissant spirituellement à la Croix du Christ, le sens salvifique de la souffrance se manifeste davantage à lui.

n°27-

Surmonter le sentiment d’inutilité de la souffrance, impression qui est parfois profondément enracinée dans la souffrance humaine, devient une source de joie … la découverte du sens salvifique de la souffrance en union avec le Christ transforme ce sentiment déprimant. La foi dans la participation aux souffrances du Christ porte en elle-même la certitude intérieure que l’homme qui souffre « complète ce qui manque aux épreuves du Christ » et que, dans la perspective spirituelle de l’œuvre de la Rédemption, il est utile comme le Christ au salut de ses frères et sœurs … Cette souffrance, plus que tout autre chose, ouvre le chemin à la grâce qui transforme les âmes.

Dans ce combat cosmique, entre les forces du bien et celles du mal, dont parle l’épître aux Ephésiens (Eph 6,12), les souffrances humaines unies à la souffrance Rédemptrice du Christ, constituent un soutien particulier pour les forces du bien, en ouvrant la route au triomphe de ces forces salvifiques.

C’est pourquoi l’Eglise voit dans tous les frères et sœurs souffrants du Christ comme un sujet multiple de sa force surnaturelle … L’Evangile de la souffrance est écrit sans cesse dans cet étrange paradoxe : les sources de la force divine jaillissent vraiment au cœur de la faiblesse humaine. Ceux qui participent aux souffrances du Christ conservent dans leurs propres souffrances une parcelle tout à fait particulière du trésor infini de la Rédemption du monde et ils peuvent partager ce trésor avec les autres … plus le monde est menacé par le pêché, et plus est éloquente la souffrance humaine en elle même. Et plus aussi l’Eglise éprouve le besoin de recourir à la valeur des souffrances humaines pour le salut du monde.

n°28 – Le Bon Samaritain

A l’Evangile de la souffrance appartient aussi – et d’une manière organique – la parabole du Bon Samaritain. Dans cette parabole, le Christ a voulu répondre à la question « Qui est mon prochain ?… » Le "prochain" veut dire celui qui accomplit le commandement de l’amour du prochain …

La Parabole du Bon Samaritain appartient à l’Evangile de la souffrance. Elle indique, en effet, quelle doit être la relation de chacun d’entre nous avec le prochain en état de souffrance.

Le Bon Samaritain est toute personne sensible à la souffrance d’autrui, la personne qui "s’émeut" du malheur de son prochain. Si le Christ, sachant ce qu’il y a dans l’homme ,souligne cette capacité émotive, c’est qu’il veut en montrer l’importance dans nos comportements face à la souffrance des autres. Il importe donc de développer en soi cette sensibilité du cœur qui témoigne de notre compassion pour un être souffrant.

Mais le Bon Samaritain de la Parabole du Christ ne se contente pas seulement d’émotion et de compassion … Tout homme qui porte secours à des souffrances, de quelque nature qu’elles soient est donc un Bon Samaritain … La personne humaine ne peut « pleinement se reconnaître que par le don désintéressé d’elle même » (Gaudium et Spes : n°24). Un Bon Samaritain, c’est justement l’homme capable d’un tel don de soi.

n°29 –

En suivant la parabole évangélique, on pourrait dire que la souffrance, présentant des visages si divers à travers le monde humain, s’y trouve également pour libérer dans l’homme ses capacités d’aimer, très précisément ce don désintéressé du propre "moi" au profit d’autrui, de ceux qui souffrent … L’homme qui est le "prochain" ne peut passer avec indifférence devant la souffrance des autres, au nom de la loi fondamentale de la solidarité humaine ; il le peut encore moins au nom de la loi de l’amour du prochain.

En songeant à tout cela, on peut dire que la parabole du Samaritain de l’Evangile est devenue un des éléments essentiels de la culture morale et de la civilisation universellement humaine.

L’éloquence de la parabole du Bon Samaritain et de l’Evangile entier se résume avant tout en ceci : l’homme doit se sentir comme appelé à titre vraiment personnel à être le témoin de l’amour dans la souffrance. Les institutions sont importantes et indispensables, cependant, aucune institution ne peut par elle même remplacer le cœur humain, la compassion humaine, l’amour humain, l’initiative humaine, lorsqu’il s’agit d’aller à la rencontre de la souffrance d’autrui.

n°30 – [La parabole du Bon Samaritain] témoigne que la révélation par le Christ du sens salvifique de la souffrance ne s’identifie nullement à une attitude de passivité. C’est tout le contraire. L’Evangile est la négation de la passivité en face de la souffrance. Le Christ lui même, en ce domaine, est essentiellement actif.

Cette parabole entrera, enfin, quant à son contenu essentiel, dans le discours bouleversant du Jugement Dernier, rapporté par Matthieu dans son Evangile.

Dans le programme messianique du Christ, qui est le programme du Royaume de Dieu, la souffrance est présente dans le monde pour libérer l’amour, pour faire naître des oeuvres d’amour à l’égard du prochain, pour transformer toute la civilisation humaine en "civilisation de l’amour".

Ces paroles sur l’Amour, sur les actions charitables liées à la souffrance humaine, nous permettent encore une fois de découvrir à la base de toutes les souffrances humaines, la souffrance Rédemptrice du Christ. Le Christ dit « C’est à moi que vous l’avez fait ». Il est bien Celui qui en chacun expérimente l’amour. C’est bien Lui qui reçoit une aide lorsqu’elle est apportée à toute souffrance sans exception … De même, tous ont été appelé "à compléter" par leur propre souffrance « ce qui manque aux souffrances du Christ »

En même temps, le Christ a enseigné à l’homme à faire du bien par la souffrance et à faire du bien à celui qui souffre. Sous ce double aspect, Il a révélé le sens profond de la souffrance.

Conclusion

Tel est le sens, véritablement surnaturel, et en même temps humain, de la souffrance. Il est surnaturel, parce qu’il s’enracine dans la divin mystère de la Rédemption du monde, et il est d’autre part, profondément humain parce qu’en lui l’homme se reconnaît lui-même dans son humanité, sa dignité et sa mission propre.

La souffrance, c’est bien certain, fait partie du mystère de l’homme … Le concile Vatican II a exprimé cette vérité que « en réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. En effet … nouvel Adam, le Christ dans la Révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste l’homme à lui même et lui découvre la grandeur de sa vocation ». (Gaudium et Spes n°22). Si ce texte se rapporte à tout ce qui touche au mystère de l’homme, il concerne certainement et de manière particulière la souffrance humaine.

Par le Christ, et dans le Christ, s’éclaire l’énigme de la souffrance et de la mort.

Le mystère de la Rédemption du monde est enraciné dans la souffrance, et en retour, celle-ci trouve en ce mystère sa référence suprême et la plus certaine.

Il est nécessaire qu’au pied de la Croix du Calvaire se rassemblent en esprit tous ceux qui souffrent et qui croient au Christ, en particulier ceux qui souffrent à cause de leur foi en Lui, crucifié et ressuscité, afin que l’oblation de leurs souffrances hâte la réalisation de la prière pour l’unité de tous … que se rassemblent là aussi les hommes de bonne volonté, car sur la Croix du Christ se « tient le Rédempteur de l’homme », l’Homme de douleur qui a assumé en lui les souffrances physiques et morales des hommes de tous les temps, afin, qu’ils puissent trouver dans l’amour le sens salvifique de leurs souffrances et des réponses fondées à toutes leurs interrogations.

Avec Marie, Mère du Christ, qui se tenait au pied de la Croix, nous nous arrêtons près de toutes les Croix de l’homme d’aujourd’hui.

Ce texte est le socle sur lequel devrait s’appuyer tous les chrétiens : il a été écrit par Jean Paul II au décours immédiat de l’attentat qui a faillit lui coûter la vie : autant dire qu’il l’a médité par sa vie … Malheureusement, même par les Chrétiens, il est mal connu.

12 ans après, une autre épreuve l’attendait, celui d’un syndrome extrapyramidal qui lui déformerait le visage …

La souffrance pour l’Eglise est une conséquence de notre assujettissement aux 3 concupiscences décrites par Saint Jean dans sa 1° épître (1 Jn 2, 26-27) et par là, au Péché Originel.. (On peut certes en exclure la souffrance des Innocents, mais aussi, il y a un certain échange qui fait que la souffrance n’est pas seulement imputable à celui qui souffre quelque soit son âge …). On peut dire que dans l’état d’innocence originelle des 2 premiers chapitres de la Genèse, la souffrance n’existait pas, n’existait pas non plus notre imperfection …Pour le Père Marie Dominique Philippe, la femme est plus apte à supporter la souffrance que l’homme, même si elle n’en saisit pas la signification !; elle est plus à même de com-pâtir (en Latin : Cum-patere, c'est-à-dire souffrir avec, qui a donné « compassion ». Benoît XVI, dans un Chemin de Croix du Vendredi Saint parle des mères de violeurs, des mères d’enfants fugueurs égarés très loin, assassins, toxicomanes, suicidaires « et pourtant, ce sont toujours des mères !», Marie a dû un peu sentir cela en voyant son Fils en Croix : mais pourquoi ?

Ce travail sur la souffrance a « encadré », si l’on peut dire la mort de Jean Paul II : elle a commencé avant, elle s’est terminé après … En matière de souffrance c’était un « expert » si l’on peut dire.

Au cours de l’année 1994, de retour d’un séjour de plusieurs semaines à l’hôpital de la Polyclinique Gemelli de Rome (à la suite d’une fracture de hanche), le Saint Père fit une importante référence à la souffrance « Je voudrais qu’à travers Marie, s’exprime aujourd’hui ma gratitude pour ce don de la souffrance … Je veux rendre grâce pour ce don. J’ai compris que c’est un don nécessaire … Le Pape devait souffrir … au début de mon pontificat, il (le Cardinal Wysinski) m’a dit : « Si le Seigneur t’a appelé, tu dois faire entrer l’Eglise dans le 3è millénaire » … et j’ai compris que je dois faire entrer l’Eglise du Christ dans ce 3è millénaire par la prière, par différentes initiatives, mais j’ai vu que cela ne suffisait pas : il fallait l’y faire entrer par la souffrance, avec l’attentat d’il y a treize ans, et avec ce nouveau sacrifice … ».

Cette allocution du Pape a véritablement une valeur prophétique. L’Evangile de la souffrance dans le magistère de Jean Paul II ne consiste pas seulement en un chapitre d’une Lettre Apostolique, il a été bien davantage, il est devenu chair et sang dans la personne du Souverain Pontife, celui-ci est devenu un magistère vivant.

Le titre de l’article du Père P. Henrici dans Communio (1988) « La souffrance, problème ou tâche » désarçonne … Mais peut-être la première réaction devant une souffrance sévère est-elle d’accuser Dieu ? Nous ne comprenons pas, même si nous sommes chrétiens, (peut être, surtout si…) une douleur intense et prolongée … La souffrance ne peut trouver son sens que tardivement. Elle paraît insensée. Elle paraît « problème » (lorsque l’on n’en voit pas le sens) avant de devenir « tâche ».

Ce que vaut un homme, jusqu’à quel point il est homme, c’est là que se reconnaît sa plus ou moins grande capacité de souffrir et de compatir – quel accueil fait-il à la souffrance ?

En principe, il n’y a que deux possibilités : -ou bien, s’endurcir

-ou bien, gagner en douceur et en accessibilité

Qui est capable d’accepter la souffrance, la souffrance le rendra plus mûr. Ainsi, la souffrance place l’homme devant une décision fondamentale, peut être la plus fondamentale. La souffrance nous place à la croisée des chemins : s’ouvrir à son accueil ou se fermer.

Maurice Blondel attire l’attention que, derrière cette dimension humaine de la souffrance, il y a plus que du simplement humain.

« Où se mesure le cœur de l’homme, c’est à l’accueil qu’il fait à la souffrance, car elle est en lui l’empreinte d’un autre que lui (…). Ainsi, la souffrance est en nous comme une semaille: par elle, quelque chose entre en nous, sans nous, malgré nous ; recevons-la donc avant même de savoir ce que c’est (…) qui n’a pas souffert d’une chose ne la connaît, ni ne l’aime. Et cet enseignement se résume d’un mot, mais il faut du cœur pour l’entendre : le sens de la douleur, c’est de nous révéler ce qui échappe à la connaissance et à la volonté égoïste ; c’est d’être la voie de l’amour effectif, parce qu’elle nous déprend de nous, pour nous donner à autrui et pour nous solliciter à nous donner à autrui » (L’action. PUF 1893)

Le sens humain de la souffrance ne devient pleinement visible qu’à partir du christianisme. Non que la réponse chrétienne fasse quelque chose de banal de la question humaine de la souffrance, au contraire. Le Christianisme commence, en effet, par rendre la question plus aiguë. En effet, pour un chrétien, la souffrance paraît encore plus incompréhensible que pour un point de vue purement humain … D’une part la souffrance doit bien avoir un certain rapport avec le péché, d’autre part, le Christ dans sa mort sur la Croix, en prenant notre péché, aurait aussi bien pu nous libérer définitivement de la souffrance … ?

Pour le chrétien, une double exigence en résulte : prendre au sérieux la souffrance, comme conséquence du péché, et en même temps la dépasser dans le sens de la Rédemption. La souffrance a un sens dans l’Economie du Salut : en elle, Dieu s’adresse à l’homme. C’est pourquoi les essais de Rédemption tentés par l’Antiquité sont inacceptables pour le chrétien. De même, sont aussi inconciliables, les solutions offertes par les religions orientales, puis certaines philosophies modernes. Le chrétien se sait co-responsable de la souffrance du monde ; mais il porte également une partie de la responsabilité de la Rédemption « La Création elle aussi doit être rachetée de l’esclavage et de la perdition pour atteindre la liberté et la gloire des enfants de Dieu » Rm 8,21

Comme chrétiens, nous vivons dans l’attente et l’expérience joyeuse d’une Création Nouvelle: « de mort, il n’y en aura plus, de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’Ancien Monde s’en est allé » (Apoc 21,4). Dès maintenant, après la Résurrection du Christ et après son propre baptême, le chrétien vit de façon inchoative dans la Nouvelle Création, dont la seule loi est la charité.

Le problème de la souffrance est de fait pour le chrétien une tâche pour sa foi. Croire que la souffrance n’est pas seulement un fait inévitable et incompréhensible, mais une conséquence du péché ; croire, pour l’avenir, que Dieu dans la Nouvelle Création dépassera la souffrance d’une manière totale et définitive et surtout croire, dans le présent, que Dieu a pris sur Lui la souffrance et lui donne par là un sens positif et une valeur.

« Parce que le fait de la transfiguration de la souffrance par Dieu est si incroyable, il n’a pu être révélé que progressivement dans l’histoire du salut. Israël commence par comprendre la souffrance dans des catégories totalement humaines : elle est la conséquence et la punition des mauvaises actions (rétribution). Mais, peu à peu, surtout pendant l’Exil à Babylone, apparaîtra le divorce avec la réalité : pourquoi des méchants ont une vie heureuse, et des justes souffrent malheur sur malheur. »

Apparaît alors le sentiment en Israël de non-rétribution sur la terre, qui sera complètement explicitée par les grands prophètes du VIè siècle avant J.C.: Ezéchiel, Jérémie et surtout le prophète du livre de la Consolation d’Israël qui a été écrit à Babylone à la fin de la Déportation. Enfin, tout le livre de Job est une longue méditation sur la rétribution du Mal : finalement Dieu finira par lui rendre raison. La souffrance peut être une épreuve pour « tester » le juste et Dieu le rétablira dans ses biens.

Mais, ces figures vont converger vers le Christ qui va donner une signification à la souffrance. A la Croix, Lui qui était Dieu, a porté injustement des souffrances liées au péché, Lui qui partageait tout de notre destin, excepté le péché. «la souffrance place l’homme devant une décision fondamentale, parce qu’elle le met devant la question de savoir si il veut ou non imiter Dieu. La souffrance est conséquence et expression de la charité, parce qu’elle est l’expression de la plus haute charité de Dieu. Le chrétien espère en la création nouvelle, libérée de la souffrance, parce que le Christ en Croix a accompli l’acte de la Nouvelle Création. Il a fait de la souffrance, comme conséquence du péché, l’expression de son abandon au Père, et à nous les hommes. Ainsi, le sens de la souffrance est retourné : sur l’obscurité de la mort tombe la lumière de la résurrection » (P.Henrici S.J. Communio XIII, 6, Nov Déc 1988)

Dans l’évolution de l’humanité, le sens des mots se précise : les mots mal-douleur-souffrance se précise : le mot mal, par exemple,tel que l’on peut le retrouver dans la littérature de l’époque, entre autres, dans les Psaumes, peut désigner aussi bien celui qui fait souffrir que celui qui souffre ; ambivalence qui n’échappe à personne ; entre autres pour la Sagesse Grecque : la mort de Socrate ou dans la littérature grecque, les démarches d’Antigone pour enterrer son frère hors la loi chez Sophocle …

Il a fallu le monde juif, et principalement la déportation à Babylone pour que peu à peu semble se révéler ce qui pourrait être une injustice … Le 4° Chant du Serviteur en Isaïe, puis le Livre de Job au retour de cet exil, de même que s’explicite avec plus de précision la notion de rétribution éternelle et que se dissout celle de Schéol …

Le mot douleur vient préciser cette notion de mal : il s’agit d’une peine individuelle cette fois. Elle trouve son apogée jusqu’au milieu du XX° siècle, encore que l’exhortation de Jean Paul II s’appelle « Salvifici doloris » : il y a donc toujours des problèmes de vocabulaire : la même exhortation, en Français, se nomme « le sens de la souffrance humaine ».

Le mot souffrance a pris une dimension important au milieu du XX° siècle avec le développement des soins palliatifs ; on s’est vite aperçu que les voies de la douleur étaient loin de résoudre le problème des patients, surtout ceux atteints d’affection maligne. Pourtant, il y a des gens, profondément matérialistes qui pensent que la douleur seule compte … Pourtant, comme le disent des théologiens, la souffrance du monde augmente, ne serait-ce que les traitements prolongent des maladies qui autrefois avaient des durées très brèves. Le mot souffrance semble indissociable de celui de conscience, et ce dernier du mot liberté

Les mots mal – souffrance – douleur sont confondus dans l’Orient Ancien, pas seulement dans le monde juif. On ne peut envisager souffrance et douleur sans y rattacher une responsabilité morale (et humaine). Les mots souffrance (ou douleur) dans la Bible ancienne ne vont apparaître qu’avec les premières traductions en grec de la Bible Hébraïque (version des Septante à Alexandrie). Si bien qu’avant Jésus Christ, toute douleur est imputable à une faute « Pourtant, la souffrance n’est pas un mal en soi, mais la conséquence du mal. Ce n’est pas une faute, mais la conséquence d’une faute » (Cardinal Lozano-Barragan à Vailankanny le 11-02-2002 dans Dolentium Hominum ) – par exemple, dans les différentes traductions du Psaume 117 (118 dans la liturgie romaine) la Bible de Jérusalem qui suit au plus près le texte hébreu, le mot souffrance n’existe pas ; il est remplacé par le mot affliction ; au verset 67 : « avant d’être affligé, je m’égarais ; maintenant, j’observe ta promesse » ; plus loin au verset 71 : « un bien pour moi que d’être affligé afin d’appendre tes volontés » ; la traduction liturgique de l’Eglise, le même mot est traduit par souffert.

La réponse à la signification de la souffrance a été donnée « par Dieu à l’homme dans la Croix de Jésus Christ » (Salvifici Doloris n°13). La souffrance séquelle du pêché originel revêt un sens nouveau : elle devient participation à l’œuvre salvifique du Christ (Catéchisme de l’Eglise Catholique n°152, désormais noté C.E.C.)

Toutefois, comme le déclare le Pape Jean Paul II dans son message : « La réponse chrétienne à la douleur n’est jamais la passivité. L’Eglise va à la rencontre des malades et de ceux qui souffrent, leur apportant confort et espérance » (Jean Paul II, cité par le Cardinal Lozano-Barragan à Vailankanny le 11-02-2002)

Avec le Nouveau Testament, le mot souffrance devient fréquent et se démarque sans problème du mot mal. Jean Paul II dans une catéchèse du 4 juin 1980 rappelle la différence (classique dans l’Eglise) entre le mal physique (par exemple : le Tsunami), et le mal moral. Contre le premier, l’homme a tellement peu de pouvoir. Le second par contre est lié à la liberté de l’homme, et l’homme peut y contribuer grandement par son pêché.

Dans le Nouveau Testament, avec Jésus-Christ, mal et souffrance sont nettement dissociés. Avec Lui, il n’est plus question de juger. Il a cristallisé toute une évolution de la pensée hébraïque entre l’exil de Babylone et Lui, et Il a professé qu’il était impossible de continuer à penser qu’il y avait une rétribution de nos actes dès ici-bas … certaines personnes malhonnêtes vivent heureux et meurent ainsi, alors que certains justes ne seront jamais heureux : Jérémie en est un exemple frappant : nous y reviendrons … déjà, l’expérience de l’Exil à Babylone fait découvrir aux penseurs juifs qu’il n’y a pas de parallélisme entre mal et souffrance …

4) Histoire de la douleur en médecine

Nous disons « douleur », plus que souffrance, car il semble que la médecine (et les activités annexes) ait privilégié ce premier terme aux dépens du second … en le privilégiant, elle le recouvrait d’objectivité, mais aussi de matérialité. C’est comme si les Israélites au retour de la déportation à Babylone avaient laissé aux Grecs l’étude des symptômes de la douleur … se réservant d’autres tâches. Cette « passation de pouvoir », même si elle est imaginaire, sera bénéfique pour le développement de la médecine, puisqu’à partir de l’école d’Hippocrate, elle va essaimer dans toute l’Europe du Moyen Age, puis à partir de l’Angleterre, dans le monde anglo-saxon de l’Amérique du Nord. Et pourtant, on en verra les limites : n’est ce pas privilégier tout un monde « cortical », intellectuel, analytique, aux dépens d’un autre monde moins rationnalisable ?…

La psychiatrie, puis, plus tard les soins palliatifs, feront rétablir un peu la situation. Le docteur Yves Prigent, psychiatre, dit, par exemple, que la douleur ne devient souffrance que lorsqu’elle est partagée avec un autre. Ce moyen de communication n’est pas forcément verbal et en fait, cette communication est essentielle, sinon, nous retombons dans l’individualisme ! ;en témoignent, par exemple, les échanges à l’intérieur d’un couple dont l’un est « en fin de vie ».

Les soins palliatifs ont appris plus profondément encore à dissocier douleur et souffrance. « La douleur est objectivable, chiffrable, quantifiable ; la souffrance est surtout de l’ordre du ressenti, du subjectif ». En somme, la souffrance a un domaine beaucoup plus large que la douleur. Elle voudrait prouver que tout n’est pas de l’ordre du matériel. Qui oserait dire que la maman d’un enfant qui souffre d’une maladie grave ne souffre pas elle aussi ?

La médecine s’est cantonnée au terme de douleur, sans doute parce qu’elle croyait que les termes douleur –souffrance étaient équivalents et interchangeables. Mais la souffrance est ce qu’on peut partager, Max Scheler a écrit « le sens de la souffrance », aurait-il écrit « le sens de la douleur » ?

Le monde hébraïque, en « abandonnant » l’analyse des symptômes (au monde grec ?) a découvert, au moment de l’Exil à Babylone, et après, que la souffrance n’avait pas seulement un sens « terrestre » : elle avait un autre sens que l’expiation de fautes passées. La Résurrection de Jésus viendra confirmer ces pressentiments.

La notion de Résurrection n’était pas du tout courante à cette époque : relisons, par exemple, le mauvais accueil reçu par Paul à l’Aréopage d’Athènes (Actes des apôtres 17, 31) lorsqu’il parlera de Résurrection.

La douleur, il faut en parler puisque la médecine s’efforce de l’analyser de plus en plus finement, et que celui qui souffre sera probablement confronté à un médecin. Mais les phénomènes ne sont pas toujours objectivables à l’examen, et d’autre part, celui qui accompagne quelqu’un qui souffre physiquement (de maladie, par exemple) souffre lui aussi, même s’il n’a pas de lésion.

Les récepteurs de la douleur sont disséminés sur tout l’organisme : la peau, le mésenchyne, les viscères, pourtant, certains organes, suprêmement nobles (cerveau, foie, …) en sont pratiquement dénués. Deux types de fibres sont issus de ces récepteurs : des fibres rapides et des fibres plus lentes, comme si aux premières était dévolue une « fonction d’esquive » principalement. Ces fibres sont rapides, justement parce qu’elles sont entourées d’un manchon de myéline. Les autres, plus anciennes, ne sont en général pas myélinisées, et vont conduire l’influx nerveux plus lentement, en vue d’une action à plus long terme (ce sont les fibres C alors que les précédentes appartiennent au groupe A delta)

Les fibres les plus rapides sont convoyées par les cornes postérieures de la moelle (comme les autres, plus lentes). Elles font articulation, une première fois avec un deuxième neurone qui, issu de la corne postérieure de la moelle, va croiser au même niveau et cheminer dans la moelle de bas en haut au niveau du cordon antéro-latéral. Il se terminera pour la plus grande partie au niveau du thalamus, après être passé avec le Ruban de Reil dans le tronc cérébral (du coté opposé à la stimulation). Puis, un 3° neurone se termine dans le cortex pariétal.

L’autre voie plus lente, se termine en grande partie dans le système réticulé du tronc cérébral, d’où ces fibres repartiront vers des zones du cerveau moins spécifiques : certaines pour des noyaux entourant le 3° ventricule, d’autres, vers la substance grise entourant l’aqueduc joignant 3° et 4° ventricules, d’autres pour la partie postérieure du thalamus, d’autres enfin, pour la région du cerveau dite « la plus ancienne », rhinencéphale et cortex limbique. la substance P en serait l’agent au niveau synaptique.

A coté de cette voie « montante » de la douleur, existe une voie « descendante » pour contrôler et diminuer ces influx douloureux. Cette voie « antalgique » n’est connue que depuis plusieurs décades seulement, et suscite beaucoup d’intérêt : un premier neurone irait de la zone grise enveloppant l’aqueduc joignant 3° et 4° ventricules et rejoindrait le « raphé magnus », cellules situées à la jonction bulbe-protubérance. Son médiateur serait l’enképhaline. Un 2° neurone irait des noyaux du « raphé magnus » jusqu’à la corne postérieure de la moelle, où il se terminerait. Le médiateur serait la sérotonine. Un 3° neurone « relierait » cette voie aux neurones « douloureux » de la périphérie.

Ces voies descendantes sont là pour « moduler » les messages douloureux qu’elles destinent au cerveau. La substance que ces voies descendantes libéreraient au niveau de la Corne Postérieure serait l’enképhaline.

Les neurochimistes se sont évertués à trouver des substances « naturelles » élaborées par le cerveau ayant les propriétés et la puissance de la morphine. Ils en ont trouvé plusieurs dont les chefs de file semblent l’enképhaline dont nous venons de parler et la béta-endorphine.( endorphines)

Dans D.Albe Fessard et J.Gybels (La douleur : données sur son origine et son traitement – Masson 1979), le professeur J. Cambier fait « l’inventaire de la douleur en médecine ». Il la divise en 3 catégories : douleurs somatiques, douleurs neurologiques et douleur psychogènes.

Les douleurs somatiques manifestent le débordement des dispositifs, dont dispose le système nerveux « pour limiter » dans la conscience les informations nociceptives.

Elles comprennent :

- les douleurs cutanées dont la bradykinine et la prostaglandine seraient les médiateurs, la substance P le transmetteur

- les douleurs osseuses et articulaires représentent avec les douleurs musculaires l’essentiel des douleurs somatiques profondes. Les os sont peu sensibles, par contre, le périoste et les articulations (ainsi que ce qui les entoure) le sont beaucoup : notons ici la crise de goutte, les arthrites inflammatoires et d’autres affections péri-articulaires.

Les muscles sont assez peu sensibles à la douleurs, néanmoins les récepteurs existent, même très disséminés : les crampes musculaires et la claudication intermittente de l’artéritique sont là pour le prouver. Des affections vasculaires sont très douloureuses : le syndrome de Raynaud, la maladie de Horton, les migraines, d’autres algies des ceintures ou des racines le prouvent.

- Les douleurs viscérales sont beaucoup moins précises quant à leur capacité de localisation que les douleurs somatiques. Elles sont néanmoins particulièrement pénibles, concernant plus spécialement le péritoine (la distension et le spasme des viscères, le manque de vascularisation, les stimuli chimiques) plus que les viscères eux mêmes.

Les douleurs projetées sont de deux types différents : les premières sont localisées, précises, rapides mais également fugaces ; les secondes sont plus durables et retardées. Le développement d’une trace mnésique durable est une autre conséquence de ces douleurs viscérales. Cette trace existe tant au niveau médullaire qu’encéphalique d’autant que la douleur qui l’a provoquée a été intense et répétée.

- Les douleurs cardiaques ont l’ischémie (manque d’oxygénation) comme facteur prédominant. L’« angine de poitrine », comme elle est communément appelée, en est l’exemple typique, résultant ou non en nécrose définitive du myocarde (infarctus).

- Les douleurs des ulcères gastriques ou duodénaux sont plus aiguës et rythmées que celles des gastrites.

- Les douleurs des coliques intestinales, néphrétiques et biliaires sont sensibles aux opiacés.

- Les douleurs obstétricales sont de deux types : le « travail » et l’accouchement proprement dit.

- Les douleurs neurologiques. Au premier abord, on peut être surpris de voir celles ci dissociées des douleurs somatiques. Qu’est ce qui motive, par exemple, de ne pas mettre la sciatique ou le tic douloureux de la face dans les douleurs somatiques au même titre que n’importe laquelle de celle ci, par exemple les douleurs d’un ulcère duodénal ? Jean Cambier écrit au début des douleurs neurologiques « ces douleurs sont des erreurs d’interprétation commises par un système nerveux défaillant ». La douleur est perçue en l’absence de toute stimulation douloureuse et de toute pathologie somatique. Là réside la pertinence d’une telle classification. Elles s’associent le plus souvent, à une diminution de la sensibilité dans le territoire de la douleur. Certaines douleurs sont fulgurantes, comme la névralgie du trijumeau, d’autres sont aiguës, comme la sciatique radiculaire. D’autres, enfin, sont continues, d’ailleurs parfois renforcées en exacerbations paroxystiques, comme dans certaines polynévrites (alcoolique en particulier). On peut aussi le constater au cours du tabès, de la syringomyélie. Le zona peut associer des douleurs continues et des douleurs fulgurantes, qui peuvent persister longtemps après la fin de l’éruption et qui peuvent avoir une intensité atroce. Il existe toujours une hypoesthésie dans le territoire de l’éruption disparue.

Les douleurs des amputés forment un ensemble assez complexe. Elles ont parfois le caractère de douleurs fulgurantes, souvent déclenchées. Mais, plus souvent, ces douleurs révèlent un caractère « causalgique ». Tantôt, la douleur « efface » le membre fantôme et concerne le moignon. Mais plus souvent, la douleur n’est pas ressentie dans la moignon, mais dans le membre fantôme qui est souvent perçu de façon intolérable ; les malades peuvent ressentir au niveau du moignon ou du membre absent les « traces d’une affection ancienne ». De telles perceptions illusionnelles étant le stigmate de traces mnésiques demeurées au niveau de l’encéphale …

Les douleurs neurologiques centrales, en particulier, démontrent que la douleur n’est pas incompatible avec une anesthésie périphérique.

Dans la Syringomyélie, le syndrome de Brown Sequard et dans la sclérose en plaques, en particulier, les douleurs ne sont pas rares. Les douleurs ont été aussi étudiées chez les personnes ayant subi une cordotomie antérolatérale, quelque fois dans l’hémicorps du même côté que la cordotomie, montrant que des fibres douloureuses « montent » du même côté et ne croisent pas.

L’interruption de la voie spinothalamique dans le tronc cérébral démontre que l’issue de la douleur se fait, outre par les voies normales (c'est à dire thalamus et lobe pariétal), également vers la réticulée (mésencephalique principalement), et par elle vers l’hypothalamus et le système limbique ; ainsi le rôle affectif et émotionnel de la douleur devient patent, pas seulement son rôle localisateur (c’est un système plus « ancien » que le système thalamique et pariétal)

Cette dissociation entre douleurs et sensations analytiques est bien démontrée dans le syndrome thalamique de Déjerine-Roussy, où la douleur est intolérable dans un hémicorps, pourtant ont disparu toutes les autres sensations de cet hémicorps.

L’asymbolie à la douleur est la contre partie pour l’hémisphère dominant de l’hémiagnosie à la douleur pour le côté non dominant. Il détermine une attitude paradoxale : le sujet semblant s’intéresser à la douleur, mais ne cherchant pas à l’éviter.

L’indifférence à la douleur des syndromes frontaux est une preuve supplémentaire du rôle du système limbique dans l’intégration de la douleur. C’est à ce système qu’il faudrait attribuer l’indifférence congénitale à la douleur, sans doute liée à une libération excessive d’un système de contrôle par les opiacés du cerveau.

Les algies psychogènes sont bien sûr très fréquentes et sont sans doute le résultat de l’évolution de la conscience chez l’homme.

L’évolution de la sensation douloureuse, dans le règne animal correspond à plusieurs stades d’intégration (et donc à une philogénèse) :

- un niveau mésencéphalique correspondant au seuil d’apparition de la conscience, mais où la sensation douloureuse reste mal définie.

- un niveau limbique qui voit arriver des changements de comportement, mais ces changements ne dépassent pas le niveau « récompense-punition » et une activité d’évitement éventuelle. En lui, se joue tout le comportement affectif de la douleur.

- le stade néo-cortical détermine une analyse plus fine de la douleur et des réactions d’anxiété plus que de peur. La verbalisation chez l’homme permet l’abstraction, mais aussi le partage d’expériences douloureuses. Là, naît aussi le fait que cette dernière se détache de plus en plus de phénomènes corporels : « mise à distance » et objectivation.

(Cette « phylogenèse » nous rappelle que l’intégration de cette douleur chez l’homme est l’aboutissement d’un développement dont on peut suivre les strates dans les différents cortex de l’homme : ce dernier est un peu le résumé de millénaires qui l’ont précédé : notre néo-cortex est l’aboutissement de cette longue évolution. Si les douleurs se terminent souvent au niveau thalamique, elles sont « discriminées » plus précisément au niveau cortical Cette « phylogenèse » rappelle notre « ontogenèse » : il nous est difficile de nier notre évolution, quand nous voyons à travers les différentes strates du cerveau et du cervelet des structures qui rappellent les animaux qui nous ont précédés pendant des millénaires, voire des dizaines de millénaires ; en embryologie, en particulier, on voit le rappel de toute cette évolution qui nous a précédé. Pourtant, l’analyse scientifique telle qu’elle s’est établie depuis les grecs, n’aurait pas dû permettre l’évolution vers le matérialisme qui se produit actuellement … Il ne serait sans doute pas venu à l’idée des premiers penseurs de la médecine- l’Ecole de Cos- que cette analyse des processus anatomiques allait un jour déboucher sur un matérialisme de plus en plus rigoriste ! )

C’est par cet intermédiaire que nous revenons aux algies purement psychogènes. Les algies dépressives, les algies anxieuses, les algies hystériques, les algies obsessionnelles se différencient entre elles par la qualité de leur vécu psycho-affectif, mais aussi par la nature des réactions somatiques qu’elles engendrent : cette fois ce sont les réactions somatiques qui sont la conséquence et non la cause. « Les psychalgies sont des déviations pathologiques véritablement hallucinatoires de la perception douloureuse » (Jean Cambier). Mais, ce qui peut troubler l’esprit rationnel, c’est que dans certains cas, la douleur elle-même peut acquérir une certaine autonomie ! Par exemple, les membres-fantômes après amputation ou des mélancolies graves. Dans certaines maladies psychiatriques graves, la tristesse est irrépressible pouvant conduire au suicide, car elle inhibe toute action. « La tristesse aussi est souffrance », dit le Père Marie-Dominique Philippe.

Mais est-ce à dire que toute douleur dont on n’a pas trouvé le substrat anatomique ou biochimique ne serait qu’illusion ? Bien sûr que non ! (il semble que deux courants sont en présence : l’un de plus en plus matérialiste qui est celui des « organicistes », et celui des psychiatres, pour lesquels tout substrat doit être exclu ! Nous retombons là dans un dualisme , qui est la plaie de notre monde contemporain !)

Dans les religions Orientales, la souffrance n’a certes pas atteint cette précision qui est le fait de la médecine Occidentale. Notre médecine Occidentale peu à peu s’est affranchie de toute attache « subjective » à une souffrance pour se cantonner à la douleur qui est devenue son principal objet … Hippocrate doit se retourner dans sa tombe en apprenant que l’avortement, par exemple, est en voie de devenir un droit fondamental, lui qui dans son Serment si longtemps juré solennellement par tout candidat au Doctorat en Médecine avait promulgué une clause ordonnant « de ne pas mettre de produit abortif ! Notre médecine Occidentale est devenue petit à petit de plus en plus matérialiste … Le positivisme actuel ( le néo-positivisme) tend de plus en plus à reléguer le spirituel dans « une aire facultative », si bien que le sens lui-même est sujet à caution ! La religion est confinée aux alcôves et aux sacristies !

Ceux qui sont malades savent très bien que tel n’est pas le cas. Leur maladie a un « sens » (quelque soit le continent d’où ils proviennent). Nos contemporains, même en Occident, sentent qu’un schéma purement matériel ne leur suffit pas : la médecine actuelle se dirige vers une technique de haut niveau. La médecine a tendance à être de plus en plus matérialiste. Mais, le patient, celui qui souffre, est de plus en plus mal à l’aise avec cette médecine. Le développement des « soins palliatifs » marque un heureux coup d’arrêt à cette tendance. Les acquis de cette médecine Occidentale sont pourtant incontestables et il est bien dommage que les personnes les repoussent pour se tourner vers des « médecines alternatives ». Par exemple, en Afrique Subsaharienne, les patients ont une haute idée de la médecine Occidentale et ce n’est que faute de personnel compétent et de moyens qu’elle ne s’implante pas plus …

Le terme « holistique » a pour beaucoup un relent « Nouvel Age », mais il correspond à un besoin de ne plus fragmenter l’homme en unités de plus en plus petites : le patient émerveillé sans doute par les avancées de cette « médecine de pointe » a besoin d’une approche plus globale, « holistique » de sa maladie (Jean Paul II lui-même a employé ce terme au moins une fois).

Mais, il est un autre registre concernant l’Occident, celui concernant l’insatisfaction croissante des patients devant le mal que la médecine moderne n’arrive pas à guérir les amenant à « fuir » vers des « médecines alternatives », pour expliquer le succès de thérapies Orientales ou Africaines (on sait le succès de l’acupuncture ou la vogue pour des marabouts africains- on dit même que ces derniers sont plus nombreux que les médecins inscrits au Conseil de l’Ordre !)

Surtout, des mouvements liés au Nouvel Age considèrent que la souffrance n’est qu’un échec de notre médecine Occidentale ; la souffrance doit être éliminée et les gens s’engouffrent dans une course éperdue vers une prétendue guérison (c’est le sens du livre du Père Ugeux : « guérir à tout prix ? Editions Salvator, 2014 »). Mais, aussi, d’autres personnes sont fascinées par les progrès de la médecine et ne voient pas le prochain qui meurt de faim, pas si loin de chez eux ! (Un mort de faim toutes les 6 secondes dans le monde … ). Ils ne voient qu’une certaine souffrance est inhérente à notre condition humaine ; il ne s’agit pas bien sûr de tomber dans le dolorisme. Saint Paul, lui-même, a supplié Dieu qu’il lui enlève « cette écharde dans sa chair ». Dieu lui a répondu que : « Ma grâce te suffit » (2 Co 12, 8).

Le principal reproche que l’on peut faire à toutes ces tendances est leur monisme, le grand progrès réalisé par le peuple juif lors de la Déportation à Babylone a été de lutter contre le polythéisme ambiant (mésopotamien), mais à l’heure actuelle, c’est plutôt une tendance de croire que Dieu lui-même est impersonnel, privé de liberté et que il n’y a pas de séparation nette entre Dieu et le monde, le Créateur et la créature ; par là, on rejoint certains courants écologiques (je dis bien « certains » …). La plupart des mystiques- je pense, par exemple à Marthe Robin, ont vite réalisé que « souffrance et amour étaient intimement liés.

Dans un autre registre, la tendance est de croire que avant la naissance, le fœtus ne souffre pas ? (Dans Bioéthique- mise à jour sur Internet par la Fondation Jérôme Lejeune- du 3° trimestre 2013) est citée la position du Professeur Emmanuel Sapin- chef du service de Néonatalogie au C.H.U. de Dijon et anciennement à l’hôpital Saint Vincent de Paul à Paris- : la douleur et la souffrance chez le fœtus. Ce dernier (le fœtus) n’engramme pas la douleur, il ne mémorise pas encore ! Il faut faire la différence entre souffrance physique et souffrance psychique ; à priori, le fœtus ne perçoit que la première; il perçoit la douleur : il suffit de l’agresser et il écarte le stimulus, les méthodes actuelles de visualisation le montrent bien, par exemple, l’échographie (c’est pourquoi tout avortement est douloureux). (Le film du Dr. Nathanson « Le cri silencieux » le démontre bien: nous voyons par échographie un fœtus essayant d’esquiver la curette cherchant à le tuer lors d’un avortement provoqué). Par contre, la souffrance appartient au développement du cerveau après l’accouchement et il est beaucoup le fait de l’éducation. La mémoire n’est pas encore développée à la naissance, et comme l’évolution de cette douleur en souffrance est très liée : il est très difficile de juger au cours de la grossesse si le fœtus en garde une conscience quelconque … (on peut sans doute en rapprocher la douleur des animaux)

L’embryologie et l’anatomie du cerveau nous laissent penser que l’homme est le fruit d’une longue évolution, ce qui contredit les thèses de créationnistes américains. L’hypothèse d’une évolution est une possibilité soutenue par le Vatican lui-même comme « une possibilité sérieuse » : déjà Pie XII avec « Humani Generis », puis Jean Paul II soutiennent cette possibilité. Dans l’histologie embryonnaire, comme dans celle du cerveau adulte sont des zones communément appelées « archéo- ou paléo- que ce soit au niveau du cerveau, au niveau du cervelet ou des noyaux gris centraux » … si les appeler comme cela implique déjà un à priori, il n’est pas douteux qu’existent des zones anciennes qui sont les restes d’une histoire passée … Genèse et évolution ne s’excluent pas forcément.

L’âme, pour reprendre l’expression de Saint Thomas d’Aquin (exprimée par Jean Daujat), n’est pas du tout un terme réservé à l’homme, puisque les végétaux et les animaux eux-mêmes disposent d’une âme. Celle-ci est « la forme » du corps, c'est-à-dire son principe organisateur (il faut le préciser parce que le mot « forme » a pris dans le langage courant un tout autre sens … le mot « forme » ici est à prendre dans un sens philosophique).Si les végétaux et les animaux ont une âme, en quoi celle-ci est-elle différente de celle des hommes ? Elle est différente en ce sens que pour eux l’âme est foncièrement solidaire du corps : lorsque le corps disparaît, l’âme disparaît aussi. Leur âme est mortelle. L’âme de l’homme, par contre, est immortelle ! Platon, bien qu’ayant vécu plusieurs siècles avant Jésus-Christ, l’avait déjà bien démontré : l’âme de l’homme est immortelle .Le problème chez Platon, c’est que le corps était un poids dont l’âme avait à se débarrasser à la fin de son passage sur terre. En cela, il est un des précurseurs de l’idéalisme. Bien différente pourtant , est la position de Descartes, qui préconisait une coupure franche entre le corps et l’âme, lui croyait en la survie du corps ; pourtant il n’est pas reconnu par l’Eglise, qui maintient cette absence de scission entre corps et esprit. Le Christianisme n’est pas méprisant vis-à-vis du corps : Dieu s’est incarné en Jésus ; dans incarné, il y a le mot chair : « et incarnatus est », disons-nous dans le Credo.

Mais si l’on se place sur le plan uniquement philosophique (Incarnation et Rédemption étant exclues) il est déjà possible de montrer l’immortalité de l’âme humaine (Platon, d’ailleurs a vécu plusieurs siècles avant Jésus)

L’âme humaine, foncièrement, différente de celle des végétaux et des animaux comme nous l’avons vu, persiste après la mort corporelle. A la différence de ce qui est enseigné souvent, et en neuro-anatomie entre autres, où c’est franchement une vision matérialiste qui est enseignée – raison et intelligence ne sont pas assimilables- et beaucoup croient que la notion de personne est liée au développement de l’intelligence, alors que des handicapés de la raison, congénitaux ou acquis sont toujours des personnes ! A partir de la conception, l’homme est une personne, il n’y a pas de personne « potentielle » pour l’Eglise Catholique.

L’Ame humaine possède intelligence et volonté qui ne disparaissent pas à la mort (bien que certains philosophes pensent le contraire …) « L’âme humaine est immatérielle et échappe ainsi à la mort (Monseigneur M. Aupetit, « La mort et après ? », éditions Salvator). Mais, immatérialité ne veut pas dire immortalité, bien que les deux soient liées.

Les courants philosophiques se sont affrontés depuis des siècles, depuis les « matérialistes », courant auquel appartient Sartre et les marxistes, jusqu’aux spiritualistes dont Platon et Descartes sont les principaux représentants (la notion de « dualisme » a fait beaucoup de mal dans l’Eglise, car très souvent, dans nos sociétés « occidentales » le dualisme est devenu « dualité » avec notre manie de « tout décortiquer »)

La douleur des malades psychiatriques, névrotiques ou psychotiques (mélancolies grave) n’est pas qu’illusion.

Dans la souffrance de la tristesse, il y a plusieurs degrés :

-dépressions réactionnelles (chez quelqu’un qui a un psychisme « normal ») réactionnel à un deuil , ou à des difficultés professionnelles , par exemple. Nous verrons avec Mgr. Wingle que cette dépression peut être causée par un manque de sens (il y a, nous dit-il, un déficit de signification et une extension de « l’acedia » qui n’est plus du tout réservée aux « spirituels ») ; ce qu’on appelle « les névroses existentielles », de plus en plus fréquentes !

-dépressions névrotiques due à la décompensation d’une névrose d’angoisse, hystérique, phobique ou obsessionnelle mais, ce n’est pas parce qu’il s’agit dans ce dernier cas, entre autres , de névrose qu’elle est moins grave : on sait en effet que la névrose obsessionnelle est beaucoup plus difficile à traiter que beaucoup de psychoses … )

-dépressions psychotiques :la mélancolie représente une tristesse « invincible » peu sensible au traitement , dans la mélancolie, la tristesse semble « s’autonomiser » , ne plus être réactionnelle ; la psychose bipolaire ( anciennement , maniaco-dépressive ) est elle très sensible à la chimiothérapie . La schizophrénie est une entité contestée ; les anglo-saxons entre autres ne la reconnaissent pas telle quelle et la dissocient.

C’est en ce qui concerne la mélancolie que se pose le discernement dont nous avait parlé le Cardinal Schônborn : « S’agit-il d’une bonne ou d’une mauvaise tristesse ? ». Le discernement entre les deux est donné par l’existence ou non de jalousie. Si cette dernière est irrépressible, le cœur de l’être est sans doute déjà atteint. Le prototype de la bonne tristesse est celle de Pierre lors de l’interrogatoire de Jésus au prétoire.

Il y a un clivage dans la psychiatrie, selon que l’on a des vues matérialistes ou spiritualistes (Freud, par exemple, niait toute révélation, même juive).

Le professeur Baruk montre bien que le clivage a commencé à la fin du XIX° siècle dans les affrontements de l’Ecole de la Salpétrière entre Charcot et Babinski : ce dernier (Babinski), à la suite de l’Ecole de Nancy et de Bernheim croyait à une vie spirituelle ( à la différence de Charcot, athée ) ; mais, l’évolution au cours du XX° siècle a entériné la domination des idées de Charcot ; celle-ci a abouti , vers 1955, à la séparation entre neurologie et psychiatrie , alors qu’elles étaient unies auparavant ; cela a aussi marqué l’éloignement de la psychiatrie de la médecine générale et cela a été tout un symbole, « ceux qui croyaient en l’esprit et ceux qui n’y croyaient pas » , Cette séparation a été une catastrophe , car , hormis le fait que beaucoup de malades mentaux ont été ainsi « chronicisés » , la tendance s’est accentuée du clivage « corps-esprit » en faisant de la psychiatrie une science de l’esprit et a marqué, sinon aggravé, une tendance au dualisme de notre société contemporaine, où « corps et esprit » se sont de plus en plus séparés. … beaucoup de troubles délirants sont aigus et relèvent de la médecine générale. Babinski a ainsi été marginalisé ; le monde entier le connaît pour un signe qu’il a décrit, alors que lui-même était « spiritualiste » ; ainsi, on en a fait un modèle de ce monde « matérialiste » qu’il dénigrait!

Le « sur-moi », d’après Freud est l’expression de nos instincts refoulés et qu’il faut réaliser ; aucunement un but spirituel vers lequel il faudrait tendre … Dans la psychanalyse freudienne en outre ; souligne le Pr. Baruk, il n’y a pas de pardon possible. Freud était agnostique (sinon athée), et dans ce sens, tout ce qui était religieux pour lui était synonyme de complexe névrotique (nul doute que sa conception du sur-moi était erronée).- mais sans doute, il ne faudrait voir dans les théories de Freud qu’une technique médicale, mais lui-même s’est laissé abuser et a porté des conclusions métaphysiques excessives …

Les choses ne sont pas si simples assurément, et il faudrait plutôt se ranger, avec ceux qui refusant tout dogmatisme (Docteur Megglé), pensent que tout homme a un problème personnel et qu’il faudrait plutôt l’aider à résoudre ses difficultés plutôt que de vouloir l’enfermer à tout prix dans une classification.

Le Dr. B. Cyrulnik relève l’espèce de « miracle » qu’ont apportés les neuroleptiques dans le traitement des maladies mentales vers les années 50, à tel point que beaucoup ont cru, qu’en attendant encore, la guérison complète de ces maladies allait subvenir ! Ceux qui pensaient ainsi sont revenus de leur optimisme et l’on s’oriente maintenant vers « une réconciliation entre organicistes -ne croyant qu’aux vertus des drogues- et les partisans d’une logothérapie de type analytique !! Il est certain, d’autre part, que Freud a été lui-même « victime » d’une compréhension erronée de la religion judéo-chrétienne, le livre du Dr. Karl Stern « La troisième révolution » le montre bien (Ed. du Seuil)

Jean Paul II nous a souligné l’importance d’une réconciliation entre foi et raison : H.Baruk nous dit que c’est urgent en médecine entre autres.

Mais, il y a un autre totalitarisme que celui du freudisme, c’est celui du marxisme qui voudrait que l’horizon humain ne dépasse pas notre fin de vie ! Ce sont ces deux totalitarismes qui ont dominés funestement notre 20° siècle ; mais notre temps est marqué par un autre risque énorme d’être les héritiers d’un autre matérialisme, héritiers du positivisme du 19° siècle, qui s’exprime par le consumérisme et que dénonçait déjà le Cardinal de Lubac : Dieu est peu à peu évacué de l’horizon !

La dépression est de plus en plus fréquente à notre époque ... Benoît XVI dans son Message pour la 14° Journée Mondiale du Malade (2006 à Adélaïde en Australie) a adressé un Message où il souligne : « L’Eglise désire se pencher avec une sollicitude particulière sur les malades en mobilisant l’attention de l’opinion publique sur les problèmes liés aux troubles mentaux qui frappent désormais une grande partie de l’humanité et constituent une véritable urgence sanitaire ». Cette 14° Journée Mondiale du Malade n’était pas consacré exclusivement à la dépression, mais à tous les troubles psychiques. Au cours de l’homélie de la Messe, le Cardinal Javier Lozano-Barragan qui le représentait a déclaré : « Les causes (qui sont à l’origine des maladies mentales) sont nombreuses et variées ; parmi les plus importantes sont à signaler le refus de Dieu, la crise des valeurs de référence, l’hédonisme et le matérialisme, la culture technologique repliée sur elle- même, l’exaspération de défis qu’elle engendre et la recherche de l’impossible, les conflits religieux et culturels ainsi que les rituels magiques et certaines sectes … Une façon efficace (d’affirmer notre foi) consiste à renforcer le système de valeurs face à une sécularisation croissante qui ne considère comme valable qu’un seul modèle qui change selon l’opinion, souvent manipulée par la majorité. »

La dépression est de plus en plus fréquente à notre époque, puisqu’elle touche ou a touché au moins 500 millions de personnes, dans les pays économiquement développés comme dans les Mégapoles du Tiers-Monde. La dépression de l’homme moderne est essentiellement liée au fait qu’en lui-même existe une scission très profonde entre l’homme qui essaie de correspondre au mieux à ce que son employeur lui demande (souvent inspiré seulement par un pragmatisme économique), et un autre monde souvent « en friche » ou oublié qui correspond souvent à une éducation religieuse trop facilement qualifiée de désuète ou obsolète (souvent alimentée par une propagande anti-religieuse dans ce sens ) . D’ou de nombreuses dépressions, voire des suicides même.

« Nous vivons « un agnosticisme fonctionnel » nous dit Mgr Wingle ( Dolentium Hominum n° 55 , numéro spécial sur la dépression ) , et une culture de « l’acedia » ( cette acedia, qu’on a cru réservée au monde religieux, est en fait étendue à tout le monde du travail) : nous cultivons un doute sur tout : le monde actuel a complètement gommé toute sa vie intérieure qui pour lui représenterait un luxe inutile , à moins que le Christianisme ne lui pèse trop … société hédonique qui voudrait bien se débarrasser de tous ses improductifs , qu’ils soient trop jeunes , trop vieux ou trop handicapés , et qui voudrait se débarrasser de scrupules « idiots ». « Certes, dans les pays généralement décrits comme « développés », nous pouvons observer que la culture séculière dominante a une compréhension insuffisante de la souffrance à cause des préjugés horizontaux (un des livres à la mode en Mai 68 était « l’homme unidimensionnel » de Herbert Marcuse) et des paradigmes proches du matérialisme et de l’individualisme. Cette culture dominante (la culture de mort) exerce une influence profonde sur notre compréhension et notre style de vie : la nécessité d’une évangélisation de la culture est une des tâches les plus importantes que nous avons à affronter en tant qu’Eglise » (Mgr. J.M.Wingle dans Dolentium Hominum n° 55, p. 98)

Auparavant, il avait dit : « Malgré nos formidables progrès technologiques et scientifiques, l’humanité ne peut se débarrasser de la douleur et de la mort … Le fait d’éviter ces questions ne les fera pas disparaître ; en cherchant à y répondre, nous répondons à un impératif de notre cœur et nous ouvrons les portes à la foi. » (p. 96) . « La culture contemporaine dominante profondément marquée par l’hédonisme et souillée par la culture de mort a adopté une position claire face au mystère de la souffrance et de la douleur. Le monde fuit la souffrance en cherchant une issue désespérée, en adoptant une attitude qui s’efforce d’éloigner la douleur à tout prix. Pourtant, le problème est plus profond que le simple refus de la souffrance. »

« Influencées par la culture de mort, de nombreuses personnes dans le monde contemporain refusent ou ignorent la recherche de l’infini. Il s’ensuit une compréhension affaiblie de la signification de la souffrance à partir d’une perspective chrétienne et un déclin de l’espérance. Une éclipse de la croyance cohérente dans le mystère de l’Incarnation conduit à une compréhension affaiblie du but et du potentiel de l’existence humaine. Le manque d’une compréhension personnelle appropriée, associée à une théologie sans vigueur, et où souvent la Croix est absente, sans espoir d’un partage de la joie d’une Résurrection du Seigneur Jésus, entraînent un grand nombre de nos contemporains à devenir la proie de la séduction de la culture de la mort. » (p. 100) … Et aussi des « recruteurs » de sectes. On peut dire qu’un des problèmes essentiels de notre monde contemporain est l’évacuation de la souffrance, suite à une mauvaise compréhension de celle-ci.

Quel consensus, encore une fois, peut-il y avoir entre quelqu’un qui ne croit qu’en l’existence de la matière (et pour qui la souffrance est une chose qu’il faudrait éliminer autant que possible) et quelqu’un qui croît que celle-ci a une valeur (et ce n’est pas forcément un chrétien)? Le Chrétien accorde une très grande importance à cette souffrance ; il y a entre celle-ci et l’amour des liens mystérieux dont la Croix est l’achèvement. Bien sûr, la souffrance doit être combattue autant que possible, mais doit être acceptée quand il n’est plus possible de l’éliminer …

La douleur en psychiatrie ?

Totalitarisme culturel du freudisme ? Ce n’est sans doute pas entièrement la faute de Freud , mais celle de ses disciples qui ont exacerbé ses théories . Pourtant tout le XX° siècle en Europe et en Amérique du Nord, toute la culture aura été largement influencée par les doctrines de Freud. Celui-ci en arrivant à New-York peu avant de mourir et peu avant la Seconde Guerre Mondiale prophétisait ainsi : « Savent-ils que je leur apporte l’enfer ? »

Le professeur Baruk dit que la Chimiothérapie a été une révolution dans la thérapeutique des psychoses, mais qu’elle a surtout modifié le traitement de la psychose maniaco-dépressive (ou psychose bipolaire). D’ailleurs lui-même conteste la notion de schizophrénie, démembrée par les auteurs américains.

Depuis Freud, la compréhension de l’inconscient a beaucoup évolué … Jacques Lacan disait que l’inconscient, c’est le désir de l’autre, d’autres psychiatres disent que « l’inconscient est trans-générationnel » (mais est-on tellement loin de notre péché originel ?)

« Il est évident que cette façon de penser- c'est-à-dire de croire qu’un homme qui perd sa rationalité perdrait ipso facto sa nature humaine inviolable – est un sophisme parce que le malade psychique n’a pas perdu sa raison, mais plutôt qu’elle ne fonctionne pas comme elle devrait. » … « Voilà pourquoi la maladie mentale a enlevé toute la responsabilité de ses actes au malade (pour être responsable, il faut se séparer consciemment de la volonté divine), le malade, quant à lui, ne peut se séparer de Dieu. En d’autres termes, l’image de Dieu en lui ne peut être déformée et sa connaissance, sa volonté ne sont plus suffisantes pour motiver aucune action humaine …Ses conditions physiques et psychiques ne lui permettent pas de commettre un péché grave, étant donné que dans son état de déséquilibre, il n’a plus cette pleine connaissance, ni cette capacité pleinement requise pour commettre le péché … il n’est donc pas une image déformée de Dieu, puisque cette image ne peut être déformée uniquement que par le péché. Certes, il peut s’agir d’une image souffrante de Dieu, mais aucunement d’une image déformée … Ce n’est pas par hasard que dans le vieux langage populaire mexicain une personne dérangée mentalement était appelée « bendito », c'est-à-dire bénie, sans usage de la raison , et ainsi incapable de commettre le péché … ceci est incompréhensible pour une mentalité sécularisée et peut seulement se comprendre dans le contexte de l’optimisme chrétien qui nous dit que, dans ces circonstances, nos obligations à l’égard du malade mental satisfont d’une part notre devoir de reconnaître le Christ souffrant dans les plus faibles et les pauvres et de l’autre, l’idée de voir dans le malade l’amour de Dieu qui nous le donne comme son élu. Il est donc une preuve de l’Amour Crucifié de Jésus. »

D’après ce Cardinal Lozano-Barragan que nous avons déjà cité, il y aurait 450 millions de personnes atteintes de maladie mentale ou neurologiques ; 200 millions souffrent de dépression Chaque année 873.000 personnes mettent fin à leur jour et 10 à 20 millions tentent de le faire.

A la même conférence, le Père Peter Comensoli, Chancelier du Diocèse de Wellington commente l’Evangile du « possédé » gérasénien en Marc 5, 14 à19 ; Jésus le renvoie prés des siens « Va chez toi, auprès des tiens, et rapporte leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (5,19). Il insiste sur la dignité humaine des personnes touchées par la maladie mentale. « Le 4° Chant du Serviteur Souffrant d’Isaïe (Isaïe 52,14 à 53,3) peuvent être appliquées à Jésus, mais aussi à tout malade mental. Nous sommes mis au défi de reconnaître en elles le Christ brisé et de leur accorder la dignité et le respect que nous devons au Christ lui-même ; il cite le Cardinal Ratzinger : « Notre valeur aux yeux de Dieu ne dépend pas de l’intelligence, de la force de caractère ou de la santé. Notre valeur aux yeux de Dieu dépend uniquement du choix que nous avons fait d’aimer Dieu autant que possible. » … Il cite aussi le texte de la 1° épître aux Corinthiens sur la composition du corps (1 Co 12) en rappelant le respect que nous devons avoir pour les membres (apparemment) les moins dignes du corps ; et il extrapole le texte de Saint Paul en invitant au respect pour les membres humains qui sont d’ordinaire rejetés par notre société en rappelant la dignité de chaque personne. Il insiste beaucoup sur la valeur du don qui à la différence de la simple tolérance permet les échanges entre les personnes, alors que la simple tolérance n’y invite pas. Le concept de don est devenu la clé de l’Enseignement Moral de l’Eglise. En 1993, Jean Paul II, dans Veritatis Splendor, parle de l’amour qui est un don comme principe et source de la vie morale, un amour qui est un don jusqu’à la fin (V.S. 20) … La simple tolérance exclut tout échange de dons et seule l’engagement dans les structures du don permet la communion. »

+

Pour le Père Bissonnier dans « La souffrance et le souffle » (le souffle est « Ruah » en hébreu, c'est-à-dire l’Esprit de Dieu ; l’Esprit et le Souffle sont synonymes, ainsi la Genèse au chapitre 1 nous dit qu’« Il souffle sur les eaux », et en Jean au chapitre 3 de son Evangile : « le vent souffle où il veut » , si bien que le souffle, c’est l’Esprit de Dieu ) :

« Si parler d’amour n’est pas chose simple, parler de la souffrance est en quelque manière plus redoutable encore : si l’amour attire, la souffrance nous répugne … d’autant plus qu’on ne cesse de la confondre avec le mal ; même les théologiens et les moralistes ne sont pas à l’abri d’une telle confusion . Si nous acceptons de prendre notre temps pour définir ce que recouvrent les mots « amour » et « souffrance », nous verrons qu’il n’y a guère d’amour sans souffrance et qu’à la souffrance ce qui donne son sens n’est autre que l’amour… Je me suis réjoui grandement en voyant que le Pape Jean Paul II avait lui aussi introduit et souligné cette distinction ( entre mal et souffrance ) dans sa lettre apostolique « Salvifici Doloris » du 11 Février 1984 .

Si bien que le souffrant même physique apparaît trop fréquemment comme avaient tendance à le voir les amis de Job ou les Apôtres ( en Jean 9,2 ) , c'est-à-dire tel qu’un coupable inavoué ou qui s’ignore sinon comme un bouc émissaire de fautes cachées ou patentes commises par ses ascendants ou son milieu, chose étrange que de voir la personne malade ou handicapée considérée encore de façon non exceptionnelle à la fois comme une sainte … et comme victime expiatoire innocente immolée pour les fautes des autres , sinon coupable elle-même et payant pour ses propres péchés. »

Mais si la propension à la culpabilisation peut être le cas lorsqu’il s’agit de maladies ou d’infirmités physiques, cette propension existe bien plus encore à propos du handicap mental et surtout la maladie d’ordre psychique. Il est surprenant de constater qu’en un siècle qui se considère comme scientifiquement éclairé et débarrassé de tout préjugé obscurantiste, la confusion continue de régner trop souvent entre le « mal mental » et le « mal moral », ceci même en des esprits considérés comme particulièrement bien cultivés.

… La souffrance n’est pas le mal La souffrance caractérise le vécu qui résulte de la conscience d’un mal… aussi, la souffrance n’est ni bonne ni mauvaise et que tout dépend de l’usage qu’on en fait … il y a des douleurs opportunes (sans être taxé de dolorisme), par exemple des douleurs liées à la sensibilité superficielle ( douleurs de l’enfant qui se brûle …)

Mais le mal n’est pas « clos » en lui-même : Joseph dans


 
 
 

Opmerkingen


Robin Duval -
Entrepreneur, Écrivain et Conférencie
  • Facebook Black Round
  • Google+ Black Round
  • Tumblr Black Round

Paragraphe. Cliquez ici pour ajouter votre propre texte.

Rédaction d'un
Business plan

 

COURS GRATUIT
(d'une valeur de 250  )
 

Paragraphe. Cliquez ici pour ajouter votre propre texte

Business Plan

Writing A-Z

 
FREE COURSE
(Valued at $250)
 

Learn all you need in order to create a

stellar business plan for your endeavor!

Mon livre
 

Paragraphe. Cliquez ici pour ajouter votre propre texte.

Par tags

© 2023 par Triomphe. Créé avec Wix.com

  • Facebook Black Round
  • Google+ Black Round
  • Tumblr Black Round
bottom of page